Transparence de la vie publique : soutenons ceux qui sont prêts à jouer le jeu !

A l’occasion de la parution de l’Indice de Perception de la Corruption 2013, nous avons rendu public hier notre nouveau rapport sur la lutte contre la corruption en France. Pour la première fois, ce rapport dresse un bilan complet des lois votées en 2013 en matière de transparence et de lutte contre la corruption.

Hormis le report de la réforme sur l’indépendance de la justice, ce bilan est globalement positif. La question est maintenant de savoir si ces lois seront effectivement appliquées. En effet, trop de lois de moralisation de la vie publique votées dans le passé sous la pression des affaires sont restées lettre morte.

Il est donc essentiel de maintenir la pression pour que le gouvernement dote les nouvelles autorités des moyens nécessaires à leur mission et pour que les élus appliquent effectivement les nouvelles règles. Nous appelons également les citoyens à se mobiliser et à jouer pleinement leur rôle. 

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Transparence de la vie publique : Transparency International France exprime ses inquiétudes quant à une possible censure par le Conseil constitutionnel

Les lois sur la transparence de la vie publique, adoptées par le Parlement le 17 septembre, sont en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. Celui-ci devrait rendre sa décision jeudi 10 octobre. Alors que des indications sur l’orientation que pourrait prendre le Conseil constitutionnel ont filtré dans la presse, nous exprimons nos vives inquiétudes quant à une possible censure des textes. Pour notre président Daniel Lebègue, « une telle décision, si elle était prise, risque de donner le signal d’une incapacité de la France à réformer ses règles et pratiques de vie démocratique ».

Paris, 8 octobre 2013. Les citoyens sont de plus en plus attentifs aux conditions dans lesquelles sont prises les décisions publiques qui les concernent et attendent de leurs représentants qu’ils soient exemplaires. Dans un courrier adressé au Président du Conseil constitutionnel le 20 septembre dernier, nous indiquions que les lois sur la transparence de la vie publique devaient permettre de répondre à cette attente et contribuer ainsi à régénérer le contrat de confiance entre élus et citoyens.

Ces derniers jours pourtant, plusieurs médias se sont fait l’écho d’une possible censure par le Conseil constitutionnel de certaines dispositions majeures (publication des déclarations d’intérêts, obligation pour les élus de déclarer leur patrimoine, renforcement des incompatibilités, encadrement des micro-partis…). La suppression de certaines mesures conduirait par ailleurs mécaniquement à en rendre inopérants d’autres, notamment la mise en œuvre d’un contrôle citoyen. Rappelons que ces dispositions existent déjà dans de nombreux pays.

L’enjeu est d’importance alors que, sur plusieurs points, la France est en retrait par rapport à la plupart de ses partenaires de l’Union Européenne :

– Transparence de la vie publique. Comme l’avait révélé une étude de Transparency International comparant les systèmes anti-corruption de 25 pays européens, la France s’inscrit parmi les pays les plus en retard en matière de transparence de la vie publique. Ainsi, elle est, jusqu’à aujourd’hui, le seul pays avec la Slovénie, à ne pas rendre publiques les déclarations d’intérêts, de revenus ou de patrimoine de ses responsables publics. De même, en matière d’encadrement du lobbying, la France n’a pas encore le cadre et le degré de transparence visés par exemple au Canada ou même au sein des institutions européennes.

Indépendance de la justice. A plusieurs reprises, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en raison du lien hiérarchique existant entre le parquet et le ministère de la Justice. Selon cette institution, dans la mesure où les magistrats du parquet ne présentent pas les garanties d’indépendance, ils ne peuvent être considérés comme des autorités judiciaires. La dernière condamnation remonte au 27 juin dernier. Rappelons que, suite à un blocage au Sénat, le projet de loi devant réformer le Conseil supérieur de la magistrature a été suspendu en juillet et reporté à une date indéterminée.

– Protection des lanceurs d’alerte. Parmi la soixantaine de pays ayant adopté une législation protégeant les lanceurs d’alerte éthique, la France est le seul à ne pas avoir inclus le secteur public. Ainsi, les lanceurs d’alerte sont très souvent victimes de représailles comme en témoignent plusieurs exemples récents : Mediator, BAC de Marseille, Conseil général des Hauts-de-Seine…

– Lutte contre la corruption transnationale. Comme vient de le rappeler le rapport publié aujourd’hui par Transparency International sur la mise en œuvre de la Convention OCDE, la France se caractérise toujours par un nombre très faible d’enquêtes et de sanctions en matière de corruption dans le commerce international. A ce jour, seulement dix enquêtes ont été ouvertes en France depuis 2009 pour corruption d’agent public étranger contre 78 en Allemagne et 87 aux Etats-Unis.

Si le Conseil constitutionnel décidait effectivement de censurer certaines dispositions importantes des lois sur la transparence de la vie publique, il risquerait d’envoyer un signal négatif à nos concitoyens et à nos partenaires dans le monde. En effet, une telle décision ne manquerait pas de susciter l’incompréhension et, plus grave encore, de donner l’impression d’une véritable régression de nature à altérer encore un peu plus la confiance, déjà très dégradée, des citoyens dans la parole et l’action publique.

Nous espérons que les Sages du Conseil constitutionnel reconnaîtront au contraire ces lois comme des progrès de la vie démocratique, permettant à la France de se hisser dans le groupe des pays que l’on cite en exemple pour l’intégrité et la transparence de leur vie publique.

Transparence de la vie publique : prochaines étapes

Tribune de Daniel Lebègue parue sur le site Le Plus/Nouvel Obs le 17 septembre 2013

Cinq mois après le scandale suscité par l’affaire Cahuzac, la France vient de se doter d’un dispositif global en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Les lois votées cet après-midi par les députés, tant dans leur esprit que dans les règles qu’elles imposent aux acteurs publics, constituent une avancée indiscutable.

Alors que la France, comme en attestent plusieurs études de notre organisation, était à la traîne, elle se situe aujourd’hui au meilleur niveau en Europe. Sur le papier tout du moins… Tout l’enjeu aujourd’hui est de garantir l’application et le respect des règles par l’ensemble des acteurs visés : ministres, parlementaires, élus locaux, hauts fonctionnaires et dirigeants d’entreprises publiques. Au cours des prochains mois, plusieurs étapes vont nous permettre de tester la volonté des acteurs publics de faire réellement la transparence sur leurs activités. En effet, trop souvent dans le passé, les lois votées sous la pression des affaires sont restées en partie lettre morte.

Première étape, l’examen par le Conseil constitutionnel. Les textes qui viennent d’être adoptés par le Parlement comportent des dispositions novatrices, telles l’obligation de s’abstenir de participer à une décision en cas de conflit d’intérêts ou la possibilité pour le citoyen de faire remonter des informations à l’autorité de contrôle. Nous espérons vivement que les Sages reconnaîtront ces novations de notre droit comme des progrès de la vie démocratique et permettront ainsi à la France de se hisser dans le groupe des pays que l’on cite en exemple pour l’intégrité et la transparence de leur vie publique.

Deuxième étape, l’adoption des décrets d’application et la mise en place de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAT). Nous serons évidemment très attentifs au choix de son Président, comme des personnalités qualifiées désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’action du Président de la HAT sera décisive au cours des prochains mois pour assurer une pleine application de la législation. Nous espérons que la personne nommée aura l’autorité suffisante pour faire respecter les nouvelles règles et s’assurer que la HAT sera dotée des moyens nécessaires à sa mission.

Troisième étape enfin, la définition par les assemblées des « règles portant sur la prévention et le traitement des conflits d’intérêts pour les parlementaires ». Rappelons en effet que les règles qui s’appliqueront aux parlementaires ne sont pas exactement les mêmes que pour les autres acteurs visés. Une différenciation apparemment nécessaire du fait de la séparation des pouvoirs. Au cours des débats, les parlementaires se sont engagés à modifier leurs règlements internes pour se conformer aux nouvelles exigences (déport, transparence sur les revenus et indemnités, encadrement du lobbying, collaborateurs parlementaires…). Il est essentiel pour la crédibilité de la démarche que cette transposition des règles aux parlementaires soit aussi complète et rapide que possible.

A condition qu’elles soient mises en œuvre et respectées par tous, ces lois portent en elles les conditions d’un renforcement de la confiance dans l’action publique. Si toutes les recommandations de notre association n’ont pas été adoptées à ce stade – publication des patrimoines, interdiction des activités de conseil pour les parlementaires, encadrement du lobbying –, nous poursuivrons résolument notre action pour qu’elles le soient dans les mois et les années à venir. C’est le sens de notre appel à faire de la lutte contre la corruption et de l’éthique de la vie publique une grande cause nationale pour la France.

>> Retrouvez notre lecture commentée des textes adoptés le 17 septembre