Tribune de Daniel Lebègue parue sur le site Le Plus/Nouvel Obs le 17 septembre 2013
Cinq mois après le scandale suscité par l’affaire Cahuzac, la France vient de se doter d’un dispositif global en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Les lois votées cet après-midi par les députés, tant dans leur esprit que dans les règles qu’elles imposent aux acteurs publics, constituent une avancée indiscutable.
Alors que la France, comme en attestent plusieurs études de notre organisation, était à la traîne, elle se situe aujourd’hui au meilleur niveau en Europe. Sur le papier tout du moins… Tout l’enjeu aujourd’hui est de garantir l’application et le respect des règles par l’ensemble des acteurs visés : ministres, parlementaires, élus locaux, hauts fonctionnaires et dirigeants d’entreprises publiques. Au cours des prochains mois, plusieurs étapes vont nous permettre de tester la volonté des acteurs publics de faire réellement la transparence sur leurs activités. En effet, trop souvent dans le passé, les lois votées sous la pression des affaires sont restées en partie lettre morte.
Première étape, l’examen par le Conseil constitutionnel. Les textes qui viennent d’être adoptés par le Parlement comportent des dispositions novatrices, telles l’obligation de s’abstenir de participer à une décision en cas de conflit d’intérêts ou la possibilité pour le citoyen de faire remonter des informations à l’autorité de contrôle. Nous espérons vivement que les Sages reconnaîtront ces novations de notre droit comme des progrès de la vie démocratique et permettront ainsi à la France de se hisser dans le groupe des pays que l’on cite en exemple pour l’intégrité et la transparence de leur vie publique.
Deuxième étape, l’adoption des décrets d’application et la mise en place de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAT). Nous serons évidemment très attentifs au choix de son Président, comme des personnalités qualifiées désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’action du Président de la HAT sera décisive au cours des prochains mois pour assurer une pleine application de la législation. Nous espérons que la personne nommée aura l’autorité suffisante pour faire respecter les nouvelles règles et s’assurer que la HAT sera dotée des moyens nécessaires à sa mission.
Troisième étape enfin, la définition par les assemblées des « règles portant sur la prévention et le traitement des conflits d’intérêts pour les parlementaires ». Rappelons en effet que les règles qui s’appliqueront aux parlementaires ne sont pas exactement les mêmes que pour les autres acteurs visés. Une différenciation apparemment nécessaire du fait de la séparation des pouvoirs. Au cours des débats, les parlementaires se sont engagés à modifier leurs règlements internes pour se conformer aux nouvelles exigences (déport, transparence sur les revenus et indemnités, encadrement du lobbying, collaborateurs parlementaires…). Il est essentiel pour la crédibilité de la démarche que cette transposition des règles aux parlementaires soit aussi complète et rapide que possible.
A condition qu’elles soient mises en œuvre et respectées par tous, ces lois portent en elles les conditions d’un renforcement de la confiance dans l’action publique. Si toutes les recommandations de notre association n’ont pas été adoptées à ce stade – publication des patrimoines, interdiction des activités de conseil pour les parlementaires, encadrement du lobbying –, nous poursuivrons résolument notre action pour qu’elles le soient dans les mois et les années à venir. C’est le sens de notre appel à faire de la lutte contre la corruption et de l’éthique de la vie publique une grande cause nationale pour la France.
>> Retrouvez notre lecture commentée des textes adoptés le 17 septembre