Déclarations de patrimoine : près de 200 élus pointés du doigt par la Commission pour la transparence financière de la vie politique

La Commission pour la transparence financière de la vie politique a remis son 15ème rapport au Président de la République. Constatant « des retards regrettables dans le respect des délais de dépôt des déclarations de patrimoine », elle annonce sa volonté d’être plus sévère avec les retardataires. Désormais, elle portera à la connaissance du parquet ces manquements et réclamera « systématiquement » l’application des sanctions prévues par la loi : une inéligibilité pendant un an et une amende de 15 000€.

Au total, la Commission pointe du doigt 199 élus : 25% des élus régionaux, 9% des élus départementaux et 13% des sénateurs. Tous élus entre 2010 et 2011, ils n’ont pas transmis dans le délai légal de 2 mois leur déclaration de patrimoine.

Se félicitant de la réforme introduite par les lois du 14 avril 2011*, la Commission rappelle aussi ses insuffisances. Elle recommande l’adoption de trois nouvelles mesures :

  • l’obligation pour les élus et dirigeants d’organismes publics de déclarer en fin de mandat les revenus annuels perçus pendant la durée de leur mandat afin de pouvoir mieux mesurer le caractère anormal ou non d’un enrichissement ;
  • la possibilité d’étendre ses investigations au patrimoine des proches afin d’empêcher les stratégies de contournement liées à un régime patrimonial particulier ;
  • l’instauration d’une sanction de 15 000 € d’amende en cas de refus par l’intéressé de transmettre ses déclarations fiscales, afin de favoriser la transmission spontanée des documents à la Commission.

Rappelons que nous soutenons de longue date le renforcement des pouvoirs de la Commission (cf. recommandations de notre rapport « Prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique », p. 31). 

* Outre la sanction de 15 000€ en cas de non respect du délai de dépôt, ces lois instaurent une sanction de 30 000 euros d’amende et l’interdiction des droits civiques en cas de fausse déclaration. En outre, elle permet désormais à la Commission de réclamer aux intéressés leurs déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune.

Vos propositions, débattons-en ! Sélection de commentaires laissés par les visiteurs du site

Depuis le lancement de notre campagne le 14 septembre, nous avons reçu de nombreux messages de soutien de la part des signataires de nos propositions (près de 800 personnes à ce jour).

Beaucoup de ces marques de soutien sont accompagnées de commentaires, questions et suggestions particulièrement riches. Nous avons essayé de résumer ci-dessous les propositions les plus fréquentes ainsi que celles qui nous paraissent susciter les débats les plus intéressants.

Faut-il rendre inéligibles à vie les élus condamnés pour corruption ?

De nombreux signataires se sont étonnés du fait que notre proposition n’aille pas aussi loin.

Ce que l’on en pense :

Notre proposition initiale était de porter de 5 à 10 ans le plafond de la peine d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption.

A la réflexion et au regard des nombreux commentaires reçus, tant de la part des candidats déclarés que des signataires de la pétition, il nous paraît effectivement souhaitable d’aller plus loin. Dix ans d’inéligibilité devrait être un minimum et non pas un maximum. Les juges devraient, au cas par cas, avoir la possibilité d’aller plus loin, jusqu’à pouvoir prononcer une inéligibilité à vie pour les malversations les plus graves.

Notre position initiale, plutôt minimaliste, était en partie motivée par des doutes quant à la compatibilité de l’inéligibilité à vie avec la constitution et la Déclaration européenne des Droits de l’Homme. Mais des recherches complémentaires nous ont permis de lever ces interrogations. Il apparaît que seule l’automaticité de cette peine serait contraire aux droits fondamentaux, au nom du principe fondamental de l’individualisation des peines.

Toute peine prononcée à vie doit toutefois pouvoir faire l’objet d’une procédure de réhabilitation ou de modification.

Contrôler le patrimoine et les dépenses des élus

Vous êtes plusieurs à demander un contrôle renforcé du patrimoine des élus et des dirigeants d’organismes publics ainsi que du patrimoine de leur entourage. Plusieurs signataires demandent également la publication des comptes de campagne des candidats. Certains internautes proposent aussi d’instaurer un contrôle sur les dépenses des élus et une révision des pensions des sénateurs.

Ce que l’on en pense : Nous sommes en phase avec la plupart de ces objectifs. Nous avons en particulier souligné, à plusieurs reprises, le manque de moyens de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, qui est chargée de recueillir les déclarations de patrimoine des élus et des membres du gouvernement. Nous demandons à ce qu’elle soit dotée de pouvoirs et de moyens d’investigation. Idem pour la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques qui, faute de volonté politique, n’a aujourd’hui pas les moyens de remplir efficacement sa mission.

Limiter le cumul des mandats

Nous avons reçu de nombreuses réactions positives à notre proposition d’interdire aux parlementaires et membres du gouvernement d’exercer des mandats exécutifs locaux. Plusieurs d’entre vous souhaitent par ailleurs limiter à deux les mandats consécutifs pour une même fonction.

Ce que l’on en pense : Cette seconde mesure figurait parmi nos propositions adressées aux candidats à l’élection présidentielle de 2007. Nous leur avions alors demandé s’ils étaient d’accord pour instaurer une limitation de l’éligibilité pour la même fonction élective à deux mandats successifs. Nous pensons en effet que l’alternance politique favorise la transparence des gestions mais aussi la sanction des irrégularités.

Comme le montre la réponse de l’un des candidats à la présidentielle, ce débat doit aussi d’être élargi à la question du cumul des mandats électifs avec certaines activités rémunérées (activités professionnelles telles qu’avocat d’affaire, mandats d’administrateurs de sociétés, etc.) 

Permettre aux citoyens de contrôler l’action publique

Un signataire suggère la création d’un comité d’autorisation qui interviendrait avant toute vente d’un bien public. Des citoyens tirés au sort ainsi que des journalistes seraient au cœur du dispositif. Pour l’auteur de cette proposition, ce système permettrait de limiter les erreurs de gestion et de mieux prévenir les prises illégales d’intérêts.

Un autre signataire souhaite pour sa part l’instauration d’un « contre-pouvoir d’information ». Celui-ci serait confié à de grandes associations spécialisées, reconnues pour leur sérieux. L’internaute détaille ainsi sa proposition : « Une fois par semaine, de 20 heures 30 à 22 heures 30, l’antenne sera mise à la libre disposition d’associations reconnues d’utilité publique et dont l’action concoure à une information pluraliste dans les domaines de l’information économique et sociale, du droit des consommateurs, du droit du logement, des droits de l’Homme, etc. ».

Sur cette question du contrôle citoyen, rappelons notre proposition de permettre à tout citoyen de saisir la future Autorité de déontologie de la vie publique.

Lutter contre la fraude fiscale 

Vous êtes plusieurs à revenir sur la nécessité de lutter contre les fraudes fiscales et financières. Un internaute demande par exemple que les candidats s’engagent « à en faire une priorité et à combattre les arrangements du type de ceux proposés par la Suisse et que l’Allemagne et le Royaume-Uni ont acceptés »

Ce que l’on en pense : Dans un communiqué de la plateforme « Paradis Fiscaux et Judiciaires », nous avons nous souligné « l’extrême gravité de ces arrangements qui, en avalisant l’opacité et la criminalité financière, remettent en cause les engagements pris par ces mêmes pays au sein du G20, de l’OCDE et de l’Union Européenne. » Nous avons ainsi appelé les autorités françaises à « refuser sans équivoque de suivre l’Allemagne et l’Angleterre dans cette voie. »

Autres suggestions

Nous avons enfin reçu un certain nombre de suggestions relatives aux modes de scrutin (comptabilisation des votes blancs, intégration d’une dose de proportionnelle). Nous les mentionnons simplement pour information car ce sont des sujets qui dépassent le mandat de notre association.

Ces débats vous inspirent des réactions ? Donnez votre avis !