Indépendance de la justice : les réquisitions du parquet dans le procès Chirac laissent la presse incrédule

De Mediapart au Figaro en passant par Le Monde, les commentaires sont unanimes pour dénoncer le réquisitoire surréaliste prononcé hier par le ministère public au cours du procès des emplois fictifs de la Mairie de Paris.

Dans l’article du Figaro Procès Chirac : la relaxe requise, le journaliste décrit un réquisitoire aux allures de farce. Stéphane Durand-Souffland se demande si l’on peut « rire en écoutant le réquisitoire prononcé hier au procès de Jacques Chirac et de ses neuf coprévenus.» A l’issue de « deux heures et demie époustouflantes (…), c’est fini. On se mord les doigts d’avoir ri. (…) Un procès Chirac sans Chirac, sans partie civile légitime (la Ville, dédommagée par l’UMP et l’ancien président, s’est retirée de l’instance), sans accusation: le tribunal se retrouve bien seul pour sauver la justice aux yeux de l’opinion publique. »

Une fois n’est pas coutume, Mediapart – lire l’article Procès Chirac: relax Jacques!, dit le parquet – est sur la même ligne que le Figaro. Michel Deléan décrit « un exposé d’abord terne et soporifique, mais qui va tourner à la farce hallucinante. » Pour les procureurs, rien ne peut prouver qu’emplois fictifs il y a eu et que Jacques Chirac y ait joué un quelconque rôle. Et de le démontrer par un « raisonnement par l’absurde. On croirait entendre une vieille chanson dont le refrain pourrait être repris en chœur par toute la salle qui répondrait non. Un refrain entonné à chaque emploi fictif, c’est-à-dire 28 fois. »

Pour sa part, Pascale Robert-Diard, journaliste au Monde revient sur son blog sur l’embarras des avocats de la défense : « Il suffisait de regarder les visages sombres des avocats de la défense des prévenus pour prendre la mesure de la gêne grandissante qui a saisi la salle à l’écoute (…)des deux procureurs chargés de requérir une relaxe générale. (…) Contre une plaidoirie laborieuse, reprenant aussi docilement les consignes reçues de leur hiérarchie d’abandonner toutes les charges,  le malaise l’emportait. » Alors que les procureurs refusent toute idée d’un « système frauduleux,  la journaliste en vient là se demander « pourquoi Jacques Chirac et l’UMP ont jugé nécessaire de rembourser au centime la Ville de Paris de son préjudice financier évalué à plus de deux millions d’euros. »

Bien que le procureur général près de la Cour de cassation Jean-Claude Marin s’en défende – il récuse toute idée de réquisitions « téléguidées » –, ce réquisitoire laisse chez les trois journalistes la même impression, celle d’une justice aux ordres. Le Monde parle ainsi de « consignes reçues de leur hiérarchie ». Pour le Figaro, « les deux vice-procureurs requièrent la relaxe, comme ils en ont reçu l’ordre. »

Un nouvel exemple qui s’ajoute à une longue liste et qui montre l’importance de notre proposition sur l’indépendance de la justice.

Révélations Bourgi : la lumière doit être faite et le chef de l’Etat s’expliquer

Par SHERPA et Transparence International France

Suite aux révélations de Robert Bourgi1, William Bourdon, avocat de TI France et président de l’association Sherpa, a demandé aux juges Grouman et Le Loire qui sont en charge de l’instruction de l’affaire dite des « biens mal acquis » de bien vouloir procéder à son audition. Les trois chefs d’Etat visés dans cette affaire font en effet parti des six qui auraient, selon M. Bourgi, financé les campagnes électorales de Jacques Chirac et d’autres hommes politiques français.

Il est très probable que  le témoignage de M. Bourgi permette d’éclairer les magistrats instructeurs quant aux conditions dans lesquelles les trois chefs d’Etat visés par la plainte de TI France ont fait l’acquisition en France d’un certain nombre de biens mobiliers et immobiliers dont l’ampleur exclut qu’ils soient le produit de leurs seuls salaires et émoluments personnels. En tout état de cause, si les allégations de M. Bourgi venaient à être confirmées, on comprendrait mieux pourquoi le Parquet a fait preuve de tant d’obstination pour tenter, en vain, de classer l’affaire des biens mal acquis.

M. Bourgi disant par ailleurs avoir informé Nicolas Sarkozy dès 2005 des informations qu’il vient de livrer à la presse, l’Elysée devrait sans attendre confirmer si cette conversation a oui ou non bien eu lieu. Si tel était le cas, on comprendrait alors mal pourquoi le chef de l’Etat, alors Ministre de l’Intérieur, n’a pas informé la justice ainsi que l’article 40 du code de procédure pénale l’y obligeait. On comprendrait encore moins comment il a pu par la suite honorer de la plus haute distinction de la République2, un homme lui avait confessé avoir été pendant des années un maillon essentiel de la Françafrique et du contournement des lois sur le financement de la vie politique.

1 Révélation parues dans le Journal Du Dimanche du 11.09.11 relatives au financement occulte de campagnes électorales de Jacques Chirac par plusieurs chefs d’Etats africains.
2 En septembre 2007, Nicolas Sarkozy lui a remis les insignes de chevalier de l’Ordre national de la légion d’honneur.