Projets de loi sur la transparence de la vie publique : premières réactions de Transparency International France

Vingt ans après les dernières grandes initiatives d’un gouvernement français en matière de déontologie de la vie publique, nous voyons dans les projets de loi présentés ce matin une volonté de mettre en œuvre un plan d’action global à la hauteur des enjeux.

Les textes couvrent en effet, dans leurs têtes de chapitre, la plupart de nos recommandations formulées depuis plusieurs années. Outre un dispositif de prévention des conflits d’intérêts, nous saluons notamment les annonces visant à rendre possibles l’inéligibilité définitive des élus et des ministres condamnés pour corruption ainsi que le droit d’agir en justice pour les associations anti-corruption.

Alors que certains parlementaires ont fait part de leurs réticences, nous resterons très vigilants lors des débats qui auront lieu au Parlement.

Nous appelons également les parlementaires à renforcer les moyens de contrôle dont disposera la Haute Autorité afin de s’assurer que les règles seront effectivement appliquées et les manquements sanctionnés. Trop souvent dans le passé, les lois votées sous la pression des affaires n’ont débouché dans la réalité que sur des mesures inadaptées ou inappliquées.   

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Mesures annoncées par François Hollande – La question de l’inéligibilité des élus corrompus

Lors de son intervention hier sur l’affaire Cahuzac, François Hollande a déclaré que les élus condamnés pour fraude fiscale ou corruption seraient interdits de tout mandat public. Le Président de la République reprend ainsi l’une de nos 7 propositions sur lesquelles il s’était engagé pendant la campagne présidentielle.

L’inéligibilité à vie des élus condamnés pour corruption peut-elle déclarée anti-constitutionnelle ?

Comme de nombreux observateurs aujourd’hui, nous nous sommes également posé la question. Le Conseil constitutionnel ayant censuré en 2010 l’article L.7 du Code électoral qui prévoyait une inéligibilité automatique pour les élus condamnés pour des délits financiers, nous avions aussi des doutes quant à la compatibilité de l’inéligibilité à vie avec la constitution et la Déclaration européenne des Droits de l’Homme. Ainsi, notre proposition initiale était de porter de 5 à 10 ans le plafond de la peine d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption.

Nos recherches complémentaires nous ont depuis conduits à considérer que seule l’automaticité de cette peine serait contraire aux droits fondamentaux, au nom du principe fondamental de l’individualisation des peines. Par ailleurs, toute peine prononcée à vie doit toutefois pouvoir faire l’objet d’une procédure de réhabilitation ou de modification.

Dès lors, nous estimons que dix ans d’inéligibilité devrait être un minimum et non pas un maximum et qu’il faut donner la possibilité aux juges, au cas par cas, d’aller plus loin jusqu’à pouvoir prononcer une inéligibilité à vie pour les malversations les plus graves.

Une telle peine existe-t-elle dans d’autres pays ? 

La peine d’inéligibilité existe dans plusieurs autres pays. Au Danemark par exemple, une personne qui a été jugée coupable pour un « acte considéré comme indigne par le public » ne peut être élue au Parlement. 

 

Inéligibilité des élus condamnés pour corruption : les engagements des candidats

(Dernière mise à jour : 11 avril 2012)

A ce jour, huit candidats ont pris des engagements en réponse à nos 7 propositions. Avant le premier tour de l’élection présidentielle, nous publions ces engagements, thème par thème, afin de permettre aux électeurs de comparer les programmes des candidats dans le domaine de l’éthique de la vie publique. Les engagements pris en réponse à nos propositions sur les conflits d’intérêtsl’indépendance de la justice, le contrôle citoyen, le lobbying, l’indépendance de l’expertise et le cumul des mandats ont également été publiés.

Cette semaine, nous vous proposons de revenir sur les engagements pris par les candidats en réponse à notre proposition portant sur l’inéligibilité des élus condamnés pour corruption. Cette proposition part du principe selon lequel les élus sont investis d’un devoir particulier d’exemplarité. Si un élu rompt avec ce principe et est reconnu coupable de corruption, il doit pouvoir être sanctionné sévèrement. L’inéligibilité étant la peine la plus dissuasive pour les élus, il nous parait essentiel de relever le plafond de cette peine de 5 à 10 ans, au minimum. Les magistrats doivent par ailleurs être encouragés à y recourir davantage.

Les candidats se prononcent unanimement pour que le plafond de l’inéligibilité soit porté à au moins 10 ans. Certains voudraient aller encore plus loin en instaurant une inéligibilité à vie (Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou). Jean-Luc Mélenchon souhaite, quant à lui, accompagner cette mesure de la création d’« un parquet national anti-corruption afin de mener les enquêtes et poursuivre les infractions économiques liées à la corruption ».

Sur la question de l’inéligibilité à vie, nous avons fait évoluer notre proposition suite aux nombreux commentaires reçus, tant de la part des candidats déclarés que des signataires de la pétition. Dix ans d’inéligibilité devrait ainsi être un minimum et non pas un maximum. Les juges devraient, au cas par cas, avoir la possibilité d’aller plus loin, jusqu’à prononcer une inéligibilité à vie pour les malversations les plus graves. Notre position initiale, plutôt minimaliste, était en partie motivée par des doutes quant à la compatibilité de l’inéligibilité à vie avec la constitution et la Déclaration européenne des Droits de l’Homme. Mais des recherches complémentaires nous ont permis de lever ces interrogations. Il apparaît que seule l’automaticité de cette peine serait contraire aux droits fondamentaux, au nom du principe fondamental de l’individualisation des peines. Toute peine prononcée à vie devrait toutefois pouvoir faire l’objet d’une procédure de réhabilitation ou de modification.
 

Détail des réponses des candidats :

François BAYROU, MoDem : OUI 

Il faut une sanction exemplaire.
 

Jacques CHEMINADE, Solidarité et Progrès : OUI

La corruption et le népotisme d’Etat sont deux maux endémiques dans notre pays. Ces propositions sont complémentaires de la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, avec des pouvoirs de juridiction et de réquisition, que je préconise pour que les responsables de la crise financière puissent être identifiés et les montages des « banques de l’ombre » interrompues.
 

Nicolas DUPONT-AIGNAN, Debout la République : OUI

Sur ce point je vais même plus loin que vous : un élu condamné pour corruption devrait selon moi être inéligible à vie. En effet, comment pourrait-on représenter l’intérêt général après l’avoir trahi par son comportement délictueux de corruption ? Cette proposition figurera dans mon programme présidentiel.
 

François HOLLANDE, PS : OUI

Je suis convaincu qu’il faut renforcer et appliquer les règles d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption en portant à 10 ans le plafond de la peine complémentaire d’inéligibilité.
 

Eva JOLY, EELV : OUI 

De manière générale, si nous nous opposons aux peines automatiques, il est évident que la justice reste trop clémente sur les affaires ayant trait à la gestion de l’argent public. Aussi il importe que la politique pénale en la matière soit modifiée, afin que les peines d’inéligibilités soient plus souvent et plus fermement prononcées, sans remettre en cause l’individualisation des peines. Porter à 10 ans le plafond de la peine complémentaire d’inéligibilité m’apparaît comme un minimum. Et concernant les éventuelles candidatures d’Europe Ecologie les Verts, il semble inacceptable que nous soutenions un élu ou une élue condamné, qui n’aurait pas été au préalable réhabilité par la justice.

Le Front de Gauche pour Jean-Luc MELENCHON : OUI

Afin de mener une lutte efficace contre la corruption, dans un contexte où les moyens donnés à la justice pénale économique et financière ne font que décroître, comme en témoigne l’exemple du pôle financier du Tribunal de Paris, nous créerons un parquet national anti-corruption afin de mener les enquêtes et poursuivre les infractions économiques liées à la corruption, infractions qu’il conviendra de lister.

Afin de sanctionner ces comportements qui portent gravement atteinte à l’intérêt général et à la confiance qui peut être faite aux responsables publics, le quantum des peines d’inéligibilité et d’interdiction d’être candidat-e devra être allongé pour une durée qui pourrait être supérieure à la privation des droits civiques, dans la limite de 10 ans.
 

Philippe Poutou, NPA : OUI

Il est clair qu’un élu condamné pour corruption ne devrait pas pouvoir exercer à nouveau être titulaire d’un mandat public.
 

Nicolas Sarkozy, UMP : OUI

Avant la censure par le Conseil Constitutionnel du dispositif d’inéligibilité automatique de l’article L. 7 du code électoral, l’inéligibilité était soit de 5 ans, soit de 10 ans (pour les parlementaires) pour tous les élus condamnés pour une infraction relative à la probité. Dès cette décision, la Chancellerie avait, en juin 2010, donné des instructions pour que la peine complémentaire d’inéligibilité soit requise. Porter de 5 à 10 ans le plafond de la peine complémentaire ne pose aucune difficulté, mais nécessiterait une modification législative.