Lumière sur les lobbys : les engagements des candidats

(Dernière mise à jour : 11 avril 2012)

A ce jour, huit candidats ont pris des engagements en réponse à nos 7 propositions. D’ici au premier tour de l’élection présidentielle le 22 avril prochain, nous publierons ces engagements, thème par thème, afin de permettre aux électeurs de comparer les programmes des candidats sur l’éthique de la vie publique. Les engagements pris en réponse à nos propositions sur les conflits d’intérêtsl’indépendance de la justicele contrôle citoyenl’inéligibilité des élus condamnés pour corruptionl’indépendance de l’expertise et le cumul des mandats ont également été publiés.

Revenons cette semaine sur les réponses à la proposition portant sur la transparence du lobbying. Nous avons demandé aux candidats s’ils étaient prêts à rendre obligatoire la publication, en temps réel, de la liste des personnes et organisations rencontrées ou consultées par les décideurs publics ainsi que les argumentaires et les projets de loi ou d’amendement qui leur sont remis. Nous les invitons également à mettre en place des procédures de consultations publiques aux niveaux local et national.

Ces propositions font consensus parmi les candidats qui considèrent que l’encadrement du lobbying est largement insuffisant en France. Plusieurs d’entre eux reconnaissent que la consultation de diverses organisations est utile au débat public, tout en soulignant que la prise de décision publique doit être plus transparente (François Bayrou, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, Eva Joly, Nicolas Sarkozy).  Sur ce thème, le Front de Gauche fait les propositions les plus détaillées. Philippe Poutou va plus loin en proposant d’interdire le lobbying. Eva Joly, députée européenne, reconnait par ailleurs l’utilité des procédures de consultations publiques organisées par la Commission européenne. 
 

Détail des réponses des candidats :

François BAYROU, MoDem : OUI

Encadrer signifie pour moi transparence. Car le dialogue entre les acteurs de la société civile, les responsables économiques, est nécessaire. Ce qu’il faut, c’est que cela se sache, que rien ne soit caché, que les tractations de coin de table, les réseaux d’influence obscurs n’aient plus droit de cité. Lors de mes vœux à la presse, début janvier, j’ai pris un engagement : si les Français m’élisent, les groupes de pression, les réseaux d’intérêt, trouveront désormais à l’Élysée porte close. Il suffit que les Français le décident pour qu’en un seul jour, ils aient à la présidence de leur pays quelqu’un qui considère que son devoir, et sa vocation, est d’entendre en premier les citoyens qui n’ont ni moyens, ni relations, et qui n’ont que la République au fond pour les protéger !
 

Jacques CHEMINADE, Solidarité et Progrès : OUI 

Le renforcement de la démocratie et notamment d’une « démocratie participative » constitue l’un de mes objectifs. Chaque citoyen concerné par un projet public doit avoir la possibilité d’exprimer son point de vue et d’alerter les décideurs sur les conséquences néfastes qu’il pourrait engendrer. Pour cela, l’organisation de débats et de consultations est impératif, avant la réalisation d’un bilan coûts et avantages accessible à tous et préalable à la décision finale.
 

Nicolas DUPONT-AIGNAN, Debout la République : OUI 

La communication des avis et positions des différentes personnalités et organisations rencontrées et consultées est une proposition naturelle, ces consultations sont normales et permettent d’obtenir des informations utiles à la prise de décision. Il est par ailleurs de notre devoir de lutter contre les lobbies qui ne seraient que des « groupes de pression » ou des « groupements d’intérêts personnels » et dont le dessein serait de défendre leurs propres intérêts en s’insinuant dans le processus décisionnel conféré aux pouvoirs publics.
 

François HOLLANDE, PS : OUI  

Je souscris à votre proposition d’encadrer le lobbying à tous les niveaux de la décision publique et faciliter la participation des citoyens et de la société civile.
 

Eva JOLY, EELV : OUI 

La transparence sur l’action des lobbys reste totalement lacunaire. Il importe de mieux les contrôler et surveiller leurs actions. Diffuser leurs positions et leurs interlocuteurs permettrait de rendre les processus d’élaboration des lois plus transparents. 

Quant aux procédures de consultation sur le modèle de celles de la Commission Européenne, c’est un outil très utile pour assurer l’équité d’accès aux décideurs publics.
 

Le Front de Gauche pour Jean-Luc MELENCHON : OUI  

Le Front de Gauche souhaite concilier la liberté d’association et d’expression impliquant le droit de défendre des intérêts privés, avec le principe selon lequel les élus du peuple agissent au nom de la nation et ne sont pas le relais d’intérêts particuliers. Là encore, cela nécessite la mise en place de processus permettant la transparence et le contrôle citoyen. 

Le Front de Gauche propose ainsi la mise en place d’un système obligatoire d’inscription électronique et de rapports d’activité pour tous les lobbyistes dotés d’un budget annuel significatif (plus de 5 000 euros/an). Les rapports d’activité devront être mis à la disposition du public dans une base de données en ligne reprenant des données précises (noms des clients et des autres sources de financement à des fins de lobbying, noms des personnes approchées dans le cadre de chaque opération de lobbying, dates des échanges, sujets abordés, dépenses affectées à chaque opération). 

D’autre part, il conviendra de proscrire les facilités et moyens donnés à ces groupes, en leur interdisant de rémunérer le personnel de l’Assemblée et ses collaborateurs à des fins de lobbying, et d’utiliser les lieux de pouvoir pour leurs activités, en mettant fin à l’attribution de badges permanents permettant un accès privilégié à des représentants d’intérêts privés au seul titre de « lobbyiste ». Une taxe de 100 % sera instaurée sur les sommes consacrées au lobbying par des groupes de pression. 

Afin de permettre l’effectivité de ces mesures, un Conseil National de Contrôle du Lobbying sera créé et chargé de veiller à l’application de ces réglementations. Cette effectivité ne sera pas complète si elles ne sont pas relayées par des normes européennes similaires.
 

Philippe POUTOU, NPA : OUI                            

Il faut voir comment ces propositions pourraient réellement interdire les pratiques de lobbying. Nous pensons que le non cumul des mandats, des niveaux de rémunération des élus au niveau du salaire moyen, et un contrôle des usagers, des représentants d’organisations syndicales, d’associations, sur les décisions seraient autant à même d’interdire les pratiques favorisant les promoteurs du lobbying.

 
Nicolas SARKOZY, UMP : OUI

Les décisions publiques être le fruit d’une réflexion collective, nourrie par l’ensemble des acteurs concernés. Pour cela, de nombreux mécanismes sont déjà consacrés par la loi, et nombre d’élus et de hauts responsables ont d’ores et déjà assimilé ces pratiques de consultation. Il serait pertinent de généraliser ces pratiques, vivifiantes pour notre démocratie, en veillant toutefois à ne pas alourdir ni ralentir les processus de prises de décisions.

La publicité des rencontres entre les responsables politiques, leurs collaborateurs et l’ensemble des personnes concernées par un projet public (syndicats professionnels, associations, personnalités qualifiées, etc.), en amont de sa mise en œuvre, existe déjà largement dans les faits. Rendre cette publicité plus systématique permettrait à chacun de mieux comprendre ce qui préside aux décisions publiques. L’information délivrée par les pouvoirs publics est au cœur de la confiance qui leur est faite.

 

Le déontologue de l’Assemblée nationale veut faire la lumière sur le lobbying. Banco ! Nous nous tenons à sa disposition pour l’y aider.

Le déontologue de l’Assemblée nationale Jean Gicquel, nommé en juin dernier, devrait publier à la fin du mois de janvier un ensemble de recommandations sur les groupes de pression et sur les groupes d’études. Espérons, cette fois-ci qu’au minimum, la liste des personnes rencontrées pour élaborer ces propositions sera rendue publique. 

Comme nous l’avions rappelé, le mois dernier, dans notre bilan des règles mises en place pour encadrer les relations entre députés et groupes d’intérêts, celles-ci ne permettent pas d’avoir une idée précise des intérêts réellement présents à l’Assemblée et des moyens financiers et humains mis en œuvre par les acteurs du lobbying. A ce jour, seulement 144 représentants d’intérêts ont fait la démarche de s’inscrire sur le registre de l’Assemblée nationale ! Jusque-là, l’Assemblée ne semblait pas disposée à vouloir y apporter des améliorations.

Deuxième dossier du déontologue, la question des groupes de d’études. Selon le journal La Croix, ils seraient plus d’une centaine aujourd’hui, sur des sujets divers et variés allant de la question du Tibet à la tauromachie. Rappelons que, sur ce sujet, notre association propose depuis février 2009 de limiter la participation des parlementaires à 3 groupes d’étude et 1 groupe d’amitié (cf. 7 recommandations de TI France à destination du Parlement).

L’année 2012 sera-t-elle celle d’un changement dans les pratiques des parlementaires ? Nous l’appelons de nos vœux et continuerons à suivre très attentivement les décisions qui seront prises et les moyens alloués à leur mise en œuvre.

Vous aussi, interpellez le déontologue et demandez-lui de renforcer le dispositif d’encadrement du lobbying de l’Assemblée ! 

Vous pouvez ainsi adresser le message suivant à [email protected] :

Monsieur le déontologue,

En tant que citoyen, je suis convaincu(e) que le dispositif mis en place pour encadrer le lobbying à l’Assemblée nationale doit être nettement renforcé, dans le sens, de ce que propose l’association Transparence International France (cf. http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/recommandations_lobby_ti_france__04_02_09.pdf). Il est en effet essentiel que des règles soient applicables tant aux parlementaires, à leurs collaborateurs qu’aux groupes de pression.

Vous en remerciant par avance, je vous prie d’agréer, Monsieur le déontologue, l’expression de ma vive considération.

XYZ