Le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires évolue

Déposé à l’Assemblée nationale en juillet 2013, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. Une version avec lettre rectificative a été présentée en avril 2015 par Marylise Lebranchu. Cette nouvelle version vise à mettre en cohérence le texte avec le dispositif prévu dans le cadre des lois sur la transparence de 2013 .

Alors que, dans l’ancienne version, les missions dévolues à la Commission de déontologie de la fonction publique chevauchaient celles de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), cette nouvelle version permet de clarifier leur rôle, conformément à leur champ de compétence : la prévention des conflits d’intérêts à la Commission de déontologie de la fonction publique, le contrôle des déclarations de patrimoines à la HATVP. Le projet de loi rappelle par ailleurs que les agents soumis à la loi sur la transparence du 11 octobre 2013 ne sont pas concernés par les dispositions de ce projet de loi. 

Cette nouvelle version renforce le texte sur plusieurs points, notamment :

Un référent déontologique est nommé dans chaque service de l’administration,

– Les déclarations d’intérêts et de patrimoine des fonctionnaires les plus exposés sont transmises avant la nomination (et non après). Les déclarations de patrimoine sont transmises et contrôlées par la HATVP (et non la Commission de déontologie de la fonction publique).

– Les déclarations d’intérêts ne seront pas publiques, mais pourront être consultées par d’autres autorités (pas uniquement la Commission de déontologie ou l’autorité hiérarchique). Dans la version précédente du projet de loi, les déclarations n’étaient pas communicables aux tiers. Elles ne seront cependant pas publiques.

– Pour la réalisation de sa mission de contrôle du pantouflage et du cumul d’activités, la Commission de déontologie de la fonction publique pourra procéder à un minimum de vérification, notamment demander des explications ou entendre toute personne qu’elle jugera utile (sans pour autant disposer d’un véritable pouvoir d’investigation).

– Le périmètre de la loi sur la transparence de 2013 est étendu aux directeurs de cabinet des autorités territoriales.

Le dispositif est cependant encore perfectible. Les principales faiblesses concernent les moyens de contrôle :

– La Commission de déontologie a des missions renforcées, notamment en matière de contrôle du cumul d’activités et de pantouflage, mais ne dispose toujours pas de moyens d’investigation.

– Pour le contrôle des déclarations de patrimoine, la HATVP n’a pas les mêmes pouvoirs (liens avec l’administration fiscale, pouvoir d’injonction…) que pour le contrôle des déclarations des élus et des ministres.   En cas de doute sur l’évolution d’un patrimoine, elle transmet le dossier à l’administration fiscale (et non au parquet). La HATVP aura donc, à peu près, les mêmes moyens que l’ancienne Commission pour la transparence financière de la vie politique. Or, on avait bien vu l’inefficacité du contrôle mené par la CTFVP.

– Enfin, les sanctions ne sont pas explicitement mentionnées en cas de déclaration incomplète, mensongère ou de non respect de l’obligation de se déporter ou de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts. Concernant les déclarations de patrimoine, il n’est pas non plus précisé ce qu’il advient une fois que l’administration fiscale est saisie (moyens d’enquêtes, sanctions…).

Par ailleurs, en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, des dispositions contradictoires avec la loi du 6 décembre 2013 sur la lutte contre la grande délinquance financière (la plus complète) risquent d’annihiler le bénéfice de la loi. Il est dès lors nécessaire d’aligner ce projet de loi avec les dispositions de la loi du 6 décembre 2013

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IRFM : une réforme en trompe l’oeil

Après la publication par l’Assemblée nationale de la répartition de la réserve parlementaire 2014 la semaine dernière, la réforme de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) était à l’ordre du jour de la réunion du Bureau de l’Assemblée nationale ce mercredi. 

L’IRFM est l’une des indemnités que perçoivent les députés pour couvrir leurs frais de mandat (5770 euros brut par député). Cette indemnité, non imposable, ne fait l’objet d’aucun contrôle, ni d’aucune publication. Des dérives ont ainsi été régulièrement dénoncées. Dernièrement, c’est l’Association pour une démocratie ouverte qui a pointé du doigt la constitution d’un patrimoine immobilier via l’achat de permanences parlementaires avec l’IRFM. Autre dérive plusieurs fois signalée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l’utilisation par certains parlementaires de l’IRFM pour payer leur cotisation à leur parti. Ces parlementaires bénéficient ensuite d’une déduction fiscale alors même que l’IRFM est non imposable.

La réforme de cette indemnité était donc nécessaire et attendue. Depuis plusieurs années, Transparency France milite pour un meilleur contrôle et demande la transparence quant à l’utilisation de cette indemnité. Pour notre association, il est en effet du devoir des élus de rendre compte de l’usage d’argent public (principe de redevabilité). 

Que ressort-il de la réforme adoptée aujourd’hui à l’unanimité par le Bureau de l’Assemblée nationale ? Rien ou presque.

En effet, si l’usage de l’IRFM est désormais fléché (elle devra être utilisée uniquement pour les frais liés à la permanence parlementaire, l’hébergement, les frais de transport du député et de ses collaborateurs, les frais de communication, de représentation et de formation), aucun contrôle – même aléatoire – n’est prévu. Encore moins la publication par chaque député des dépenses engagées au titre de l’IRFM.

Le Bureau de l’Assemblée table sur la bonne volonté des députés qui devront, chaque année, « adresser au Bureau une déclaration attestant sur l’honneur qu’ils ont utilisé l’IRFM au cours de l’année précédente » de manière conforme. Nous voulons croire que la plupart des députés se conformeront à ces nouvelles règles, mais il est facile d’imaginer que tous ne le feront pas. Certains pourront ainsi continuer à utiliser comme bon leur semble cette indemnité, parfois, pour des raisons totalement extérieures à leur mandat parlementaire.

S’il est à mettre au crédit des députés d’avoir remis ce sujet à l’ordre du jour – le Sénat n’a pour l’instant engagé aucune réforme –, il est néanmoins regrettable qu’ils ne soient pas allés au bout de leur démarche et ainsi répondu aux attentes des citoyens en faveur de plus de transparence et de redevabilité.

Transparence des indemnités parlementaires : signez la pétition !

Le député Charles de Courson a lancé la semaine dernière, sur le site Change.org, une Pétition citoyenne pour la transparence sur l’indemnité des parlementaires.

Adressée aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, elle leur demande de prendre des mesures pour que les Députés et les Sénateurs justifient par des factures la bonne utilisation de leur Indemnité Représentative des Frais de Mandat (IRFM). 

Objectif : atteindre plus de 150 000 signatures afin de montrer que la transparence des indemnités est une mesure attendue par un grand nombre de citoyens. 

La transparence des indemnités parlementaires étant l’une de nos recommandations depuis plusieurs années, nous soutenons cette initiative et vous encourageons à signer la pétition. 

>> Signer la pétition