Déontologie des fonctionnaires : Transparency International appelle à une mise en cohérence avec les lois de 2013

La Commission des lois se penche à partir de demain sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

L’objectif de ce texte est d’aligner le dispositif déontologique applicable aux fonctionnaires sur celui défini pour les élus et membres du Gouvernement dans le cadre des lois sur la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013. S’il comprend un certain nombre de dispositions bienvenues, le texte doit encore être renforcé sur plusieurs points, notamment sur les moyens alloués aux autorités de contrôle.  

Les principales innovations concernent :

  • l’adoption par les différentes administrations et juridictions de codes ou chartes de déontologie,
     
  • la nomination d’un référent déontologique dans chaque service de l’administration,
     
  • l’obligation, pour une liste d’agents publics définie par décret, de transmettre, avant leur nomination, une déclaration d’intérêts transmise ensuite au supérieur hiérarchique. Ces déclarations pourront être consultées par d’autres autorités, mais ne seront pas publiques,
     
  • l’obligation de déport pour tout agent public en situation de conflit d’intérêts,
     
  • l’obligation, pour les fonctionnaires les plus exposés, de transmettre, avant leur nomination, à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de patrimoine,
     
  • le renforcement du contrôle du pantouflage avec une saisine devenant obligatoire et l’allongement du délai d’auto-saisine,
     
  • la possibilité pour la Commission de déontologie de la fonction publique de procéder à un minimum de vérification (sans pour autant disposer d’un véritable pouvoir d’investigation) dans le cadre de sa mission de contrôle du pantouflage,
     
  • l’extension du périmètre de la loi de 2013 aux directeurs de cabinet des autorités territoriales.

Le dispositif reste cependant encore perfectible. Nous avons en effet relevé un certain nombre d’incohérences par rapport au dispositif adopté en 2013 :

  • La Commission de déontologie a des missions renforcées, notamment en matière de contrôle du cumul d’activités et de pantouflage, mais ses moyens ne le sont pas et elle ne dispose toujours pas de moyens d’investigation.
     
  • Pour le contrôle des déclarations de patrimoine, la HATVP n’a pas les mêmes pouvoirs (liens avec l’administration fiscale, pouvoir d’injonction…) que pour le contrôle des déclarations des élus et des ministres. En cas de doute sur l’évolution d’un patrimoine, elle transmet le dossier à l’administration fiscale (et non au parquet). La HATVP aura donc, à peu près, les mêmes moyens que l’ancienne Commission pour la transparence financière de la vie politique. Or, on avait bien vu l’inefficacité du contrôle mené par la CTFVP.
     
  • Aucune sanction n’est prévue en cas de déclaration incomplète, mensongère ou de non respect de l’obligation de se déporter ou de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts. Concernant les déclarations de patrimoine, il n’est pas non plus précisé ce qu’il advient une fois que l’administration fiscale est saisie (moyens d’enquêtes, sanctions…). Ces absences risquent de réduire à néant le dispositif envisagé. Des sanctions, cohérentes avec celles prévues par la loi du 11 octobre 2013 [1], doivent dès lors être instaurées. 
     
  • Enfin, concernant la protection des lanceurs d’alerte, des dispositions contradictoires avec la loi du 6 décembre 2013 sur la lutte contre la grande délinquance financière (la plus complète) risquent d’annihiler le bénéfice de la loi. Il est dès lors nécessaire d’aligner ce projet de loi avec les dispositions de la loi du 6 décembre 2013.

Transparency International France invite les parlementaires à pallier ces insuffisances et d’assurer ainsi la pleine cohérence des dispositifs déontologiques applicables à l’ensemble des responsables publics français. 

Le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires évolue

Déposé à l’Assemblée nationale en juillet 2013, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. Une version avec lettre rectificative a été présentée en avril 2015 par Marylise Lebranchu. Cette nouvelle version vise à mettre en cohérence le texte avec le dispositif prévu dans le cadre des lois sur la transparence de 2013 .

Alors que, dans l’ancienne version, les missions dévolues à la Commission de déontologie de la fonction publique chevauchaient celles de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), cette nouvelle version permet de clarifier leur rôle, conformément à leur champ de compétence : la prévention des conflits d’intérêts à la Commission de déontologie de la fonction publique, le contrôle des déclarations de patrimoines à la HATVP. Le projet de loi rappelle par ailleurs que les agents soumis à la loi sur la transparence du 11 octobre 2013 ne sont pas concernés par les dispositions de ce projet de loi. 

Cette nouvelle version renforce le texte sur plusieurs points, notamment :

Un référent déontologique est nommé dans chaque service de l’administration,

– Les déclarations d’intérêts et de patrimoine des fonctionnaires les plus exposés sont transmises avant la nomination (et non après). Les déclarations de patrimoine sont transmises et contrôlées par la HATVP (et non la Commission de déontologie de la fonction publique).

– Les déclarations d’intérêts ne seront pas publiques, mais pourront être consultées par d’autres autorités (pas uniquement la Commission de déontologie ou l’autorité hiérarchique). Dans la version précédente du projet de loi, les déclarations n’étaient pas communicables aux tiers. Elles ne seront cependant pas publiques.

– Pour la réalisation de sa mission de contrôle du pantouflage et du cumul d’activités, la Commission de déontologie de la fonction publique pourra procéder à un minimum de vérification, notamment demander des explications ou entendre toute personne qu’elle jugera utile (sans pour autant disposer d’un véritable pouvoir d’investigation).

– Le périmètre de la loi sur la transparence de 2013 est étendu aux directeurs de cabinet des autorités territoriales.

Le dispositif est cependant encore perfectible. Les principales faiblesses concernent les moyens de contrôle :

– La Commission de déontologie a des missions renforcées, notamment en matière de contrôle du cumul d’activités et de pantouflage, mais ne dispose toujours pas de moyens d’investigation.

– Pour le contrôle des déclarations de patrimoine, la HATVP n’a pas les mêmes pouvoirs (liens avec l’administration fiscale, pouvoir d’injonction…) que pour le contrôle des déclarations des élus et des ministres.   En cas de doute sur l’évolution d’un patrimoine, elle transmet le dossier à l’administration fiscale (et non au parquet). La HATVP aura donc, à peu près, les mêmes moyens que l’ancienne Commission pour la transparence financière de la vie politique. Or, on avait bien vu l’inefficacité du contrôle mené par la CTFVP.

– Enfin, les sanctions ne sont pas explicitement mentionnées en cas de déclaration incomplète, mensongère ou de non respect de l’obligation de se déporter ou de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts. Concernant les déclarations de patrimoine, il n’est pas non plus précisé ce qu’il advient une fois que l’administration fiscale est saisie (moyens d’enquêtes, sanctions…).

Par ailleurs, en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, des dispositions contradictoires avec la loi du 6 décembre 2013 sur la lutte contre la grande délinquance financière (la plus complète) risquent d’annihiler le bénéfice de la loi. Il est dès lors nécessaire d’aligner ce projet de loi avec les dispositions de la loi du 6 décembre 2013

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Colloque le 25 octobre : « Moralisation de la vie publique : quelle contribution peut apporter le Parlement ? »

Chaque année, Transparency International France organise un colloque sur un thème lié à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique. Notre association a décidé de consacrer le colloque de cette année à la moralisation de la vie publique et, plus particulièrement, à la déontologie des parlementaires. Engager une réforme en la matière s’avère en effet indispensable pour rétablir, enfin, la confiance des Français envers leurs élus et institutions.

Longtemps ignorée par la classe politique, la question de l’éthique dans la vie publique est aujourd’hui incontournable. Elle a été l’un des sujets majeurs de la dernière campagne présidentielle et figure désormais en bonne place dans l’agenda public. En juillet dernier, une Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, a été créée. Outre des questions d’organisation des activités électorales – qui ne relèvent cependant pas de la déontologie de la vie publique –, la Commission devra faire des propositions sur la prévention des conflits d’intérêts et le cumul des mandats. Sur ces deux sujets, des solutions existent et sont connues depuis longtemps. Encore faut-il une réelle volonté politique pour les faire adopter et appliquer !

Alors que la commission Sauvé a proposé, dès janvier 2011, la mise en place d’un dispositif solide et cohérent de prévention des conflits d’intérêts, rien ou presque n’a été fait jusqu’ici. Ainsi, à l’Assemblée nationale et au Sénat, les règles adoptées en 2011 ne permettent pas de pleinement garantir que seul l’intérêt général est pris en compte par les décideurs publics. Rappelons que parmi les comportements que les Français jugent les moins acceptables chez les politiques,  « la défense d’intérêts privés plutôt que l’intérêt général » arrive en première position. Pour ce qui est de la fin du cumul des mandats, les réticences exprimées récemment par de nombreux parlementaires semblent remettre en cause la possibilité même d’une réforme pourtant attendue par 92% des Français. Enfin, dans le mandat de la Commission Jospin, des sujets essentiels qui, eux, relèvent bien de la moralisation de la vie publique ont été écartés : encadrement du lobbying, révision du régime des incompatibilités, transparence des indemnités perçues par les élus, contrôle des comptes des assemblées, ouverture des données publiques.

Pour susciter un débat constructif sur l’ensemble de ces sujets et inviter les parlementaires à l’action, ce colloque donnera la parole tant à des experts et des associations qu’à des parlementaires. Il sera également l’occasion de rappeler les engagements pris par le Président de la République en réponse aux 7 propositions de notre association pour renforcer l’éthique de la vie publique. Le colloque s’organisera autour de deux tables rondes : la première mettra l’accent sur les règles à adopter pour renforcer la déontologie des parlementaires ; la seconde abordera, pour sa part, la question du degré de transparence à instaurer au sein des deux assemblées.  

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