Transparence de la vie publique : le dispositif de prévention des conflits d’intérêts est préservé pour l’essentiel

Transparency International France se félicite que l’essentiel du dispositif de prévention des conflits d’intérêts ait été préservé, notamment concernant la publication de déclarations d’intérêts par les ministres et les parlementaires. Cette mesure de prévention, qui permet de permet de s’assurer que, dans le cadre d’une décision publique, des intérêts personnels ne sont pas intervenus, est en effet défendue depuis plusieurs années par notre association.

Nous regrettons néanmoins que certaines incompatibilités, sources potentielles de conflits d’intérêts, aient été invalidées, à savoir l’interdiction pour un parlementaire d’exercer une fonction de conseil et de commencer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat.

>> Retrouvez la synthèse des décisions rendues par le Conseil constitutionnel

Transparence de la vie publique : Transparency International France exprime ses inquiétudes quant à une possible censure par le Conseil constitutionnel

Les lois sur la transparence de la vie publique, adoptées par le Parlement le 17 septembre, sont en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. Celui-ci devrait rendre sa décision jeudi 10 octobre. Alors que des indications sur l’orientation que pourrait prendre le Conseil constitutionnel ont filtré dans la presse, nous exprimons nos vives inquiétudes quant à une possible censure des textes. Pour notre président Daniel Lebègue, « une telle décision, si elle était prise, risque de donner le signal d’une incapacité de la France à réformer ses règles et pratiques de vie démocratique ».

Paris, 8 octobre 2013. Les citoyens sont de plus en plus attentifs aux conditions dans lesquelles sont prises les décisions publiques qui les concernent et attendent de leurs représentants qu’ils soient exemplaires. Dans un courrier adressé au Président du Conseil constitutionnel le 20 septembre dernier, nous indiquions que les lois sur la transparence de la vie publique devaient permettre de répondre à cette attente et contribuer ainsi à régénérer le contrat de confiance entre élus et citoyens.

Ces derniers jours pourtant, plusieurs médias se sont fait l’écho d’une possible censure par le Conseil constitutionnel de certaines dispositions majeures (publication des déclarations d’intérêts, obligation pour les élus de déclarer leur patrimoine, renforcement des incompatibilités, encadrement des micro-partis…). La suppression de certaines mesures conduirait par ailleurs mécaniquement à en rendre inopérants d’autres, notamment la mise en œuvre d’un contrôle citoyen. Rappelons que ces dispositions existent déjà dans de nombreux pays.

L’enjeu est d’importance alors que, sur plusieurs points, la France est en retrait par rapport à la plupart de ses partenaires de l’Union Européenne :

– Transparence de la vie publique. Comme l’avait révélé une étude de Transparency International comparant les systèmes anti-corruption de 25 pays européens, la France s’inscrit parmi les pays les plus en retard en matière de transparence de la vie publique. Ainsi, elle est, jusqu’à aujourd’hui, le seul pays avec la Slovénie, à ne pas rendre publiques les déclarations d’intérêts, de revenus ou de patrimoine de ses responsables publics. De même, en matière d’encadrement du lobbying, la France n’a pas encore le cadre et le degré de transparence visés par exemple au Canada ou même au sein des institutions européennes.

Indépendance de la justice. A plusieurs reprises, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en raison du lien hiérarchique existant entre le parquet et le ministère de la Justice. Selon cette institution, dans la mesure où les magistrats du parquet ne présentent pas les garanties d’indépendance, ils ne peuvent être considérés comme des autorités judiciaires. La dernière condamnation remonte au 27 juin dernier. Rappelons que, suite à un blocage au Sénat, le projet de loi devant réformer le Conseil supérieur de la magistrature a été suspendu en juillet et reporté à une date indéterminée.

– Protection des lanceurs d’alerte. Parmi la soixantaine de pays ayant adopté une législation protégeant les lanceurs d’alerte éthique, la France est le seul à ne pas avoir inclus le secteur public. Ainsi, les lanceurs d’alerte sont très souvent victimes de représailles comme en témoignent plusieurs exemples récents : Mediator, BAC de Marseille, Conseil général des Hauts-de-Seine…

– Lutte contre la corruption transnationale. Comme vient de le rappeler le rapport publié aujourd’hui par Transparency International sur la mise en œuvre de la Convention OCDE, la France se caractérise toujours par un nombre très faible d’enquêtes et de sanctions en matière de corruption dans le commerce international. A ce jour, seulement dix enquêtes ont été ouvertes en France depuis 2009 pour corruption d’agent public étranger contre 78 en Allemagne et 87 aux Etats-Unis.

Si le Conseil constitutionnel décidait effectivement de censurer certaines dispositions importantes des lois sur la transparence de la vie publique, il risquerait d’envoyer un signal négatif à nos concitoyens et à nos partenaires dans le monde. En effet, une telle décision ne manquerait pas de susciter l’incompréhension et, plus grave encore, de donner l’impression d’une véritable régression de nature à altérer encore un peu plus la confiance, déjà très dégradée, des citoyens dans la parole et l’action publique.

Nous espérons que les Sages du Conseil constitutionnel reconnaîtront au contraire ces lois comme des progrès de la vie démocratique, permettant à la France de se hisser dans le groupe des pays que l’on cite en exemple pour l’intégrité et la transparence de leur vie publique.

Marchés publics : vers des petits arrangements entre amis locaux ?

Par Annick AGUADO, membre de TI France

La proposition de loi « Warsmann », qui vient d’être adoptée par les députés et qui devrait être discutée au Sénat le 20 février prochain[1], prévoit, dans son article 88, le relèvement du seuil de 4000 à 15 000 euro, à compter duquel les marchés publics doivent faire l’objet d’une procédure formalisée de publicité et de mise en concurrence.

Cette disposition qui se veut de « simplification du droit », fait remarquable en ce temps de clivage politique marqué,  est approuvée par  une grande majorité des élus… de droite comme de gauche ! 

Comme citoyen, il y a tout lieu de s’étonner de cette belle unanimité pour une disposition législative très propice aux petits arrangements entre amis locaux. Le conseil constitutionnel a rappelé que le droit des marchés publics se forge sur des principes au fondement de notre démocratie et de notre République : LIBERTE, EGALITE, TRANSPARENCE.

Sous couvert d’efficacité économique, ces principes sont remis en cause. Si on comprend bien l’attractivité pour des élus d’une dispense de mise en concurrence, on ne peut que s’inquiéter du fait que ceux-ci n’aient même pas nuancé les conditions d’application de ce seuil de dispense de mise en concurrence.

En effet, le droit communautaire différencie les seuils de mise en concurrence « formalisée » selon le type de  marché (5 000 000€ pour les travaux et 200 000€ pour les fournitures et services). On ne retrouve pas cette différenciation dans la loi. Or, acheter 15 000€ de travaux, ce n’est pas la même chose qu’acheter 15 000€ de prestations intellectuelles. S’agissant des travaux, il est aisé de vérifier si la prestation a été réalisée. Pour les prestations intellectuelles, cet exercice est plus difficile! On se souvient des études de la mairie de Paris confiée à l’épouse d’un édile !

Souhaitons que le Conseil constitutionnel dans sa grande sagesse remette en cause cette disposition très dangereuse pour la démocratie locale. Il faut rappeler aux élus que MAPA signifie « marchés à procédure adaptée »  et non  « marchés attribués par amitié » !


[1] Proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (28 juillet 2011).