Policy paper : Pour un lobbying transparent et démocratique

Le lobbying joue un rôle croissant dans l’élaboration de la décision publique. Lorsque son usage est rendu clair et transparent, le lobbying peut contribuer à apporter aux décideurs publics des éléments d’information et de compréhension sur des questions toujours plus complexes.

A contrario, un lobbying non régulé peut entraîner des abus, dont il peut résulter des décisions répondant plus à des intérêts particuliers privés qu’à l’intérêt général, des coûts indus pour la collectivité et une altération grave de la confiance des citoyens envers leurs élus et leurs institutions.

Afin de prévenir les dérives sous leurs diverses formes ─ opacité, conflits d’intérêts, pantouflage, trafic d’influence ─, les activités de lobbying doivent être encadrées. Nous militons depuis 4 ans pour que des règles soient adoptées non seulement pour les lobbyistes, mais aussi, pour l’ensemble des acteurs publics participant à l’élaboration des politiques publiques.

Depuis la publication de nos premières recommandations en direction du Parlement en 2009, nous avons poursuivi nos échanges avec les différents acteurs concernés (parlementaires, conseillers ministériels, lobbyistes d’entreprises et de cabinet, associations, etc.).

Le policy paper « Pour un lobbying transparent et démocratique » que nous publions aujourd’hui est le résultat de ce dialogue. Nous y revenons sur les enjeux de l’encadrement du lobbying en France et présentons nos recommandations actualisées, applicables à l’ensemble des décideurs publics et des représentants d’intérêts. 

Nos recommandations ont 3 objectifs : 

  • garantir l’équité d’accès aux décideurs publics 
  • assurer l’intégrité des échanges afin d’éviter les dérives 
  • garantir la traçabilité de la décision publique

Rappelons que la transparence du lobbying est aussi l’un des objectifs de notre campagne visant à faire de l’éthique publique une grande cause nationale

>>> Pour accéder au policy paper, cliquer ici.

 

Déclarations d’intérêts : le Sénat ouvre la voie… mais du chemin reste à faire !

Les déclarations d’intérêts des sénateurs sont désormais accessibles sur le site Internet du Sénat. C’est la première fois que des parlementaires lèvent le voile sur les activités exercées parallèlement à leur mandat et sur les intérêts qu’ils détiennent. Jusque-là, ils s’y refusaient totalement. Comme l’a montré notre étude portant sur 25 pays européens publiée le mois dernier, la France était, avec la Slovénie, le seul pays où les déclarations de patrimoine et les déclarations d’intérêts des parlementaires n’étaient pas rendues publiques. L’initiative du Sénat mérite donc d’être saluée. Elle doit cependant être encore approfondie.

Tout d’abord, les déclarations d’intérêts doivent être plus facilement accessibles. Alors qu’il semblait logique qu’elles soient disponibles sur la fiche individuelle de chaque sénateur, il faut, pour y accéder, passer par la rubrique « Connaître le Sénat / Rôle et fonctionnement »[1]. Pour des organisations ou des citoyens peu familiers du site du Sénat, trouver la page recherchée est loin d’être évident.

Par ailleurs, les déclarations d’activités et d’intérêts des sénateurs ne permettent pas, en l’état actuel, de garantir que des intérêts personnels n’interviendront pas au cours du processus législatif. Alors que les déclarations d’intérêts des membres du gouvernement ont déjà montré leurs limites, celles publiées par les sénateurs sont encore moins précises. Seules doivent être déclarées les activités (professionnelles ou d’intérêt général) que le sénateur envisage de conserver ainsi que les participations financières supérieures à 15 000 €. Rien n’est demandé sur les activités exercées au cours des années précédentes, ni sur les revenus et avantages en nature tirés des activités et responsabilités exercées. Par ailleurs, le plafond des participations financières est largement supérieur à celui en vigueur pour les ministres (5000€). Il en résulte des rubriques vides pour la majorité des parlementaires. Rappelons que, sur ce sujet, la commission Sauvé ne fixait aucun seuil.

Les règles adoptées par le Bureau du Sénat en décembre 2011 prévoyaient également l’obligation pour les sénateurs de déclarer les invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs, ainsi que les cadeaux, dons et avantages en nature d’une valeur supérieure à 150 euros. Or, dans les déclarations mises en ligne, aucune rubrique n’y fait référence. Où donc ces éléments seront-ils déclarés ?

De même que pour les membres du gouvernement, les informations relatives aux proches (conjoints, descendants et ascendants) ne sont pas rendues publiques. Cependant, dans le modèle de déclaration utilisé par les ministres, ceux-ci pouvaient déclarer, volontairement, certains intérêts, notamment familiaux. Au Sénat, une telle option n’est pas envisagée. Il est dès lors impossible, pour les citoyens, d’identifier des risques de conflits d’intérêts liés aux proches. Une mesure simple permettrait de contourner le problème : instaurer l’obligation pour un sénateur ayant un intérêt personnel, direct ou indirect, de le déclarer publiquement et de s’abstenir de participer à la décision. Cette règle est en vigueur dans plusieurs pays comme, par exemple, au Royaume-Uni

Enfin, concernant les sanctions, la seule envisagée pour l’instant est la possibilité, pour le Bureau du Sénat, de décider de rendre publics les avis rendus par le Comité de déontologie du Sénat. Celui-ci peut être saisi par le Bureau ou le Président du Sénat en cas de situation susceptible de faire naître un conflit d’intérêts. Cela nous parait bien insuffisant. Dans notre rapport sur la prévention des conflits d’intérêts, nous recommandions des sanctions réellement dissuasives et, notamment, l’inéligibilité.  C’est ce que recommandait aussi la Commission Sauvé.

Il reste encore fort à faire pour que les conflits d’intérêts soient effectivement prévenus tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Celle-ci doit elle-aussi rendre publiques les déclarations d’intérêts des députés. Il s’agit-là en effet d’une condition essentielle pour que les élus parviennent enfin à regagner durablement la confiance des citoyens.


[1] Les déclarations sont disponibles uniquement au format PDF, qui est parmi les moins recommandés en matière d’Open Data.

 

Seulement 144 lobbyistes inscrits sur le registre de l’Assemblée nationale : sont-ils si peu nombreux à rencontrer les députés ?

Pour la deuxième année consécutive, notre association a rendu public un bilan des règles d’encadrement du lobbying, adoptées il y a maintenant 2 ans par l’Assemblée nationale. Alors que nous avions clairement montré en 2010 les limites du dispositif, l’Assemblée ne semble toujours pas disposée à vouloir y apporter des améliorations

En deux ans, seulement 144 représentants d’intérêts ont fait la démarche de s’inscrire sur le registre, qui a conservé son caractère non obligatoire. Plus largement, il ne répond pas aux attentes en matière de transparence et d’accès à l’information des institutions publiques. Le registre ne permet pas d’avoir une idée précise des intérêts réellement présents à l’Assemblée et des moyens financiers et humains mis en œuvre par les acteurs du lobbying.

Rien n’est prévu pour rendre publiques les positions présentées par les groupes d’intérêts aux députés et presque aucun d’entre eux ne communique spontanément la liste des organisations qu’il reçoit. Et la seule sanction connue à ce jour concerne l’exclusion de la lobbyiste des laboratoires Servier – plus de dix mois après la crise publique autour du Mediator !

Enfin, une étude de notre association réalisée en 2011 montre que très peu de parlementaires ont connaissance de l’existence du registre. Encore plus rares sont ceux qui le consultent pour voir si un acteur sollicitant une audition y est inscrit.

Pour une réforme globale et une réelle concertation avec la société civile

Nous renouvelons dès lors notre appel en faveur d’une réforme globale, coordonnée entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette réforme devrait viser la mise en place de règles de transparence et d’intégrité applicables tant aux parlementaires, à leurs collaborateurs et aux personnels de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’aux représentants de groupes d’intérêts.

>> En savoir plus sur nos analyses et recommandations