Ethique et politique : il y a urgence à restaurer la confiance des Français

Le journal Le Monde a rendu public hier un sondage sur l’éthique en politique. Les résultats, plutôt inquiétants, confirment, une nouvelle fois, la défiance croissante des Français à l’égard de leurs élus. Ainsi, 57% des personnes interrogées pensent que les « grandes règles de la morale ne sont respectées » que par certains politiques. 20% pensent même qu’aucun politique ne les respecte.

Selon la majorité des personnes interrogées, la situation s’est dégradée depuis vingt ans, notamment pour ce qui concerne le financement des partis et des campagnes électorales. Alors que plus d’une dizaine de lois ont été votées depuis le début des années 1990, 45% des personnes interrogées estiment ainsi que la situation s’est détériorée. Ils sont seulement 20% à penser qu’elle a progressé.

Face à des comportements jugés inacceptables, nous proposons des solutions

Parmi les comportements jugés les moins acceptables chez les politiques, « la défense d’intérêts privés plutôt que l’intérêt général » arrive en première position (31% et jusqu’à 51 % chez les cadres). C’est tout l’enjeu aujourd’hui du débat sur le lobbying que nous alimentons depuis 3 ans. Il parait ainsi essentiel d’encadrer le lobbying à tous les niveaux de la décision publique pour garantir des processus de décision transparents ainsi qu’une équité d’accès aux décideurs publics.

Egalement jugé inacceptable, le cumul des mandats est cité par 22% des personnes interrogées, suivi de près par le favoritisme dans les nominations et le niveau de vie de certains politiques (21%). Sur l’ensemble de ces points, il est urgent d’agir ! Donnons, tout d’abord, un coup d’arrêt aux situations de cumul. Cela afin d’éviter les conflits d’intérêts entre mandat local et mandat national, de réduire l’absentéisme parlementaire et d’éviter certains cumuls d’indemnités ou de fonctions. De même, instaurons des règles efficaces pour prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique. Enfin, mettons en place un dispositif permettant un contrôle citoyen de la déontologie des acteurs publics.

Autant de recommandations que le ou la candidat(e) élu(e) à la Présidence de la République devra mettre en œuvre pour, enfin, mettre fin à la crise de confiance des citoyens envers leurs institutions et restaurer les fondements de notre contrat social. Ils sont déjà 8 candidats à avoir pris des engagements précis. Pour que ceux qui ne l’ont pas encore fait s’engagent, faites connaître nos propositions et interpellez les candidats ! 

 

Déclarations de patrimoine : près de 200 élus pointés du doigt par la Commission pour la transparence financière de la vie politique

La Commission pour la transparence financière de la vie politique a remis son 15ème rapport au Président de la République. Constatant « des retards regrettables dans le respect des délais de dépôt des déclarations de patrimoine », elle annonce sa volonté d’être plus sévère avec les retardataires. Désormais, elle portera à la connaissance du parquet ces manquements et réclamera « systématiquement » l’application des sanctions prévues par la loi : une inéligibilité pendant un an et une amende de 15 000€.

Au total, la Commission pointe du doigt 199 élus : 25% des élus régionaux, 9% des élus départementaux et 13% des sénateurs. Tous élus entre 2010 et 2011, ils n’ont pas transmis dans le délai légal de 2 mois leur déclaration de patrimoine.

Se félicitant de la réforme introduite par les lois du 14 avril 2011*, la Commission rappelle aussi ses insuffisances. Elle recommande l’adoption de trois nouvelles mesures :

  • l’obligation pour les élus et dirigeants d’organismes publics de déclarer en fin de mandat les revenus annuels perçus pendant la durée de leur mandat afin de pouvoir mieux mesurer le caractère anormal ou non d’un enrichissement ;
  • la possibilité d’étendre ses investigations au patrimoine des proches afin d’empêcher les stratégies de contournement liées à un régime patrimonial particulier ;
  • l’instauration d’une sanction de 15 000 € d’amende en cas de refus par l’intéressé de transmettre ses déclarations fiscales, afin de favoriser la transmission spontanée des documents à la Commission.

Rappelons que nous soutenons de longue date le renforcement des pouvoirs de la Commission (cf. recommandations de notre rapport « Prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique », p. 31). 

* Outre la sanction de 15 000€ en cas de non respect du délai de dépôt, ces lois instaurent une sanction de 30 000 euros d’amende et l’interdiction des droits civiques en cas de fausse déclaration. En outre, elle permet désormais à la Commission de réclamer aux intéressés leurs déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune.

Conflits d’intérêts et lobbying, deux questions liées

Par le réseau BASE 

BASE, réseau de lobbyistes français travaillant dans les secteurs privés, publics ou associatifs, entend aujourd’hui soutenir la dernière campagne menée par Transparency International France qui appelle les candidats à l’élection présidentielle à s’engager pour une véritable éthique de l’action publique. Sur bien des points en effet,  les positions de notre association rejoignent  les analyses et recommandations de TI France. 

Aujourd’hui largement pratiqué par un grand nombre d’acteurs, le lobbying est une activité qui souffre encore d’une mauvaise réputation. En France, elle peut, en effet, être associée de manière abusive aux fléaux que sont la corruption ou le trafic d’influence.

Les avancées opérées ces dernières années en France, avec notamment la création de registres de lobbyistes auprès du Parlement en 2009, sont notables. C’était la première fois que des institutions publiques françaises encadraient ainsi l’activité en leur sein des représentants d’intérêts. Avec ces règles de transparence et d’éthique d’inspiration européenne, l’Assemblée Nationale puis le Sénat ont pris acte du fait que la loi est le fruit d’un processus de construction pendant lequel s’expriment de nombreux intérêts. L’exemple du Grenelle de l’environnement a pu illustrer cette nouvelle gouvernance.

Il s’agit de continuer ce travail afin d’évoluer vers une démocratie plus délibérative et d’éviter d’entacher son fonctionnement par des soupçons de corruption préjudiciables qui alimentent la défiance des citoyens vis-à-vis de l’exercice du pouvoir. Cela doit également permettre aux lobbyistes d’exercer leur profession dans un cadre clair et de participer au débat démocratique dans des conditions éthiques optimales.

Nos propositions :

Tous les membres de BASE sont convaincus que la prévention des conflits d’intérêts passera désormais par de nouvelles mesures d’encadrement du lobbying et d’amélioration de la gouvernance publique.

Dans un premier temps, encadrer l’activité de lobbying c’est en adopter une définition claire qui ne peut se résumer à celle d’une activité rémunérée. Selon nous, « le lobbying désigne toute activité qui consiste à procéder à des interventions destinées à contribuer directement ou indirectement aux processus d’élaboration, d’application ou d’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, à toute intervention ou décision des pouvoirs publics ». On entend par lobbyistes « les personnes qui se livrent de façon régulière à ce type d’activité et qui travaillent dans différentes organisations telles que les entreprises, les groupements professionnels, les structures publiques ou parapubliques, les ONG, les associations, les cabinets de consultants spécialisés dans les affaires publiques, les cabinets d’avocats ou les think-tanks ».

Nous sommes également convaincus qu’une réforme du système de registres au Parlement doit être engagée. Ce système de registres doit être plus « incitatif » avec notamment l’attribution d’un badge à l’année soumise à une adhésion préalable à des règles strictes de comportement éthique. Ces registres, accessibles au public, gagneraient aussi à être plus largement ouverts à tous les groupes d’intérêts ; si des critères d’attribution sont appliqués, ils doivent être rendus publics et tout refus d’attribution doit être motivé. Il s’agit d’assurer un accès équitable au législateur pour tous les groupes d’intérêt concernés. A terme, pour plus de lisibilité, la fusion des registres de l’Assemblée et du Sénat doit être envisagée.

Un statut sécurisant et valorisant doit être créé pour les collaborateurs parlementaires qui doivent respecter un code de déontologie (pas de «compagnonnage »). La publication de la liste des collaborateurs parlementaires accrédités et employés sur l’enveloppe budgétaire allouée à chaque parlementaire devrait être systématisée comme c’est déjà le cas au Parlement européen.

Chaque parlementaire doit élaborer une déclaration d’intérêts à l’image de celle des parlementaires européens. Toujours dans l’optique de rendre plus transparent le fonctionnement de nos institutions, nous pensons qu’il est nécessaire que les comptes rendus des activités des groupes d’études des Parlements soient publiés.

Dans l’administration et les cabinets ministériels de nombreuses actions restent, selon nous, à être mises en œuvre. A l’instar de Jean-Marc Sauvé, nous souhaitons que chaque membre du gouvernement publie systématiquement une déclaration d’intérêts. Il faut également inciter à la création de registres non obligatoires des représentants d’intérêt au niveau des administrations, et à terme, regrouper ces registres par un service interministériel.

Les fonctionnaires ou contractuels de la fonction publique ne devraient pas pouvoir exercer une autre fonction rémunérée, ce qui implique un niveau de salaire décent. Il ne devrait pas non plus être possible, pour les membres de cabinets ministériels et les conseillers du gouvernement, d’effectuer des missions de conseil ou de veille pour le compte d’acteurs de la société civile.

En matière de cadeaux, nous recommandons de s’inspirer des textes internationaux[1] qui proscrivent l’acceptation de dons et libéralités sauf mineurs. La France est en effet l’un des rares pays qui ne mentionne pas cette question dans ses textes généraux. Ces «non-dits» multiplient les situations à risque pour les titulaires de charges publiques et les représentants d’intérêts.

Enfin, le risque de conflits d’intérêts sera d’autant plus réduit que les conditions d’accès aux consultations seront équitables et non susceptibles de favoriser une partie ou une autre. Il s’agit même d’un gage de la qualité de la décision publique. A la différence des institutions européennes, aucun texte de référence n’organise précisément les procédures de consultation[2]. Cette situation est d’autant plus dommageable qu’elle contribue à une monopolisation du débat par les acteurs dits « traditionnels » mais elle favorise aussi les modes d’action enclins à générer des conflits d’intérêt. Aussi, nous pensons que l’organisation des consultations et concertations par les institutions doit être formalisée avec des éléments tels que le délai de la consultation, sa portée, sa nature ou encore les critères de sélection des acteurs auditionnés. Sur le modèle européen (cf. Your Voice in Europe), les consultations envisagées devraient être publiées de manière anticipée afin que tous les acteurs concernés puissent se manifester sans discrimination.


[1] Code international de conduite des agents de la fonction publique des Nations unies de 1996, article 9 chapitre IV

[2] A l’exception notable de la « Charte de consultation sur les textes normatifs en matière de services financiers» du Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.