Corruption transnationale : l’OCDE confirme l’analyse de Transparency International

L’OCDE a publié hier son troisième rapport de suivi de la mise en œuvre par la France de la Convention de l’OCDE sur la corruption d’agents publics étrangers. L’organisation internationale estime que, malgré quelques avancées (l’engagement pris par la ministre de la Justice de ne pas donner d’instructions aux magistrats du parquet ou encore les efforts réalisés en matière de sensibilisation des entreprises à la lutte contre la corruption et la mise en place de programmes de conformité), la France n’agit toujours pas efficacement contre la corruption transnationale.

Un nombre d’affaires faible

Depuis l’adhésion de la France à la convention de l’OCDE en 2000, seulement 33 procédures ont été initiées et cinq condamnations prononcées. Comme nous le rappelions dans notre propre rapport de suivi de la Convention publié en septembre dernier, ces chiffres sont faibles : non seulement par rapport au poids économique dela France et à l’exposition de ses entreprises au risque de corruption transnationale, mais aussi si on le compare au nombre d’affaires en cours dans d’autres pays tels que les Etats-Unis (275) ou l’Allemagne (176).

La question de l’indépendance du parquet

L’OCDE arrive à la même conclusion que nous avions formulée dans notre rapport  : le manque d’indépendance des procureurs vis-à-vis du pouvoir exécutif pose problème et peut, dans certains cas, bloquer le déclenchement des poursuites en matière de corruption d’agents publics étrangers. L’OCDE a recensé 38 affaires qui n’ont « même pas donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire » alors que des sociétés françaises étaient citées.

Le manque de moyens procéduraux et humains  

Lorsque des poursuites sont engagées, le manque de moyens peut également poser problème. Le droit est jugé trop restrictif : pour sanctionner, il faut prouver l’existence d’un « pacte de corruption » entre le corrupteur et le corrompu. L’exigence de réciprocité d’incrimination, c’est-à-dire le fait que le délit soit « puni par la législation du pays où il a été commis », restreint également le nombre de procédures. En outre, la mise en œuvre des dispositions législatives encadrant le secret défense fait parfois obstacle aux enquêtes et aux poursuites.

Le manque de moyens des enquêteurs spécialisés est également de plus en plus criant. L’OCDE recommande notamment – nous aussi d’ailleurs – le renforcement des moyens de la Brigade centrale de lutte contre la corruption.

Des sanctions peu dissuasives

Ainsi que nous le proposons, le groupe de travail de l’OCDE suggère de rehausser le plafond des amendes maximales pour des faits de corruption. À l’heure actuelle, l’amende maximale pouvant être prononcée à l’encontre d’une entreprise est de 750 000 euros. Rappelons que la multinationale française Safran a récemment été reconnue coupable de corruption d’agents publics étrangers et condamnée en France à 500 000 euros d’amende. Ce montant parait faible au regard de la valeur du contrat remporté (214 millions de dollars). Cette amende n’est donc ni dissuasive, ni proportionnée.

La France a maintenant un an pour répondre par oral aux critiques formulées par l’OCDE et deux ans pour prendre par écrit des engagements précis. Une affaire à suivre… 

 

Colloque le 25 octobre : « Moralisation de la vie publique : quelle contribution peut apporter le Parlement ? »

Chaque année, Transparency International France organise un colloque sur un thème lié à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique. Notre association a décidé de consacrer le colloque de cette année à la moralisation de la vie publique et, plus particulièrement, à la déontologie des parlementaires. Engager une réforme en la matière s’avère en effet indispensable pour rétablir, enfin, la confiance des Français envers leurs élus et institutions.

Longtemps ignorée par la classe politique, la question de l’éthique dans la vie publique est aujourd’hui incontournable. Elle a été l’un des sujets majeurs de la dernière campagne présidentielle et figure désormais en bonne place dans l’agenda public. En juillet dernier, une Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, a été créée. Outre des questions d’organisation des activités électorales – qui ne relèvent cependant pas de la déontologie de la vie publique –, la Commission devra faire des propositions sur la prévention des conflits d’intérêts et le cumul des mandats. Sur ces deux sujets, des solutions existent et sont connues depuis longtemps. Encore faut-il une réelle volonté politique pour les faire adopter et appliquer !

Alors que la commission Sauvé a proposé, dès janvier 2011, la mise en place d’un dispositif solide et cohérent de prévention des conflits d’intérêts, rien ou presque n’a été fait jusqu’ici. Ainsi, à l’Assemblée nationale et au Sénat, les règles adoptées en 2011 ne permettent pas de pleinement garantir que seul l’intérêt général est pris en compte par les décideurs publics. Rappelons que parmi les comportements que les Français jugent les moins acceptables chez les politiques,  « la défense d’intérêts privés plutôt que l’intérêt général » arrive en première position. Pour ce qui est de la fin du cumul des mandats, les réticences exprimées récemment par de nombreux parlementaires semblent remettre en cause la possibilité même d’une réforme pourtant attendue par 92% des Français. Enfin, dans le mandat de la Commission Jospin, des sujets essentiels qui, eux, relèvent bien de la moralisation de la vie publique ont été écartés : encadrement du lobbying, révision du régime des incompatibilités, transparence des indemnités perçues par les élus, contrôle des comptes des assemblées, ouverture des données publiques.

Pour susciter un débat constructif sur l’ensemble de ces sujets et inviter les parlementaires à l’action, ce colloque donnera la parole tant à des experts et des associations qu’à des parlementaires. Il sera également l’occasion de rappeler les engagements pris par le Président de la République en réponse aux 7 propositions de notre association pour renforcer l’éthique de la vie publique. Le colloque s’organisera autour de deux tables rondes : la première mettra l’accent sur les règles à adopter pour renforcer la déontologie des parlementaires ; la seconde abordera, pour sa part, la question du degré de transparence à instaurer au sein des deux assemblées.  

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Transparence des revenus parlementaires : pourquoi tant de réticences ?

Claude Bartolone a tenu mardi une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté des mesures devant permettre de rendre l’Assemblée nationale « plus exemplaire, plus ouverte, plus utile ». Si certaines d’entre elles – déjà annoncées au Sénat – correspondent effectivement à cet objectif, on peut regretter la frilosité du Président de l’Assemblée sur la question de la transparence des indemnités perçues par les parlementaires ainsi que l’« oubli » d’un certain nombre de sujets.

Deux mesures annoncées par le Président de l’Assemblée nationale étaient attendues depuis longtemps :

1. La transparence sur l’usage de la réserve parlementaire : alors qu’elle représente aujourd’hui 90 millions d’euros, son utilisation a toujours été entourée d’une très grande opacité. Claude Bartolone a annoncé mardi que les crédits seraient répartis équitablement au prorata des effectifs de chaque groupe politique et, surtout, que la liste des subventions et des investissements soutenus par la réserve serait rendue publique ;

2. La mise en place d’un contrôle des comptes de l’Assemblée : à partir de 2013, les comptes de l’Assemblée nationale – comme ceux du Sénat – seront certifiés par la Cour des comptes. La certification des comptes de l’Assemblée existait déjà, mais on peut saluer le fait que cette mission ait été confiée à la Cour des comptes. Néanmoins, on ne doit pas lui attribuer la portée qu’elle n’a pas : il s’agit d’un contrôle formel qui n’a pas pour objectif de mesurer l’efficience de la gestion ni d’apprécier l’efficacité des dépenses engagées au regard des objectifs poursuivis.

En revanche, Claude Bartolone s’est montré beaucoup plus frileux concernant l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Après la polémique qui a suivi la publication en mai dernier de l’usage fait par un député de son IRFM, on pouvait espérer qu’un contrôle sur les dépenses des députés serait mis en place. D’autant plus que, lors du débat sur la fiscalisation de la partie non utilisée de l’IRFM en juillet dernier, la majorité PS avait justifié son opposition à l’amendement déposé par Charles de Courson en expliquant qu’il fallait effectivement un contrôle mais que « cette réflexion méritait mieux qu’un amendement posé comme ça ».  

Pourtant, mardi, le Président de l’Assemblée nationale n’a pas précisément proposé un contrôle. S’il a annoncé une baisse de 10% du montant de l’IRFM et la suppression de la possibilité de basculer le montant non utilisé du crédit collaborateur sur l’IRFM, il s’est dit opposé à la justification des frais de mandats des députés. Pour lui, demander des comptes aux députés conduirait à « affaiblir le rôle des députés ». Au lieu d’être contrôlés sur leurs dépenses (et sanctionnés en cas de dérapage), les députés devront désormais remplir une déclaration sur l’honneur attestant que « la dépense de leur IRFM est bien destinée à l’exercice de leur mandat ». Sans vouloir remettre en cause l’honnêteté des élus, on peut douter de l’efficacité d’une telle mesure. Car bien que Claude Bartolone refuse de  jeter une « suspicion sur les parlementaires français », c’est justement en ne rendant pas transparent l’usage qu’ils font de l’argent public qui leur est versé que la méfiance des citoyens s’installe.

Enfin, il est regrettable que plusieurs sujets au cœur de la question de la déontologie parlementaire n’aient pas été abordés (prévention des conflits d’intérêts, encadrement du lobbying, transparence sur les votes des députés, etc.).

L’ensemble de ces sujets méritent d’être abordés et des règles claires adoptées. Pour susciter un réel débat et inviter les parlementaires à l’action, nous organisons un colloque à l’Assemblée nationale le 25 octobre prochain de 9h00 à 13h00 en présence de parlementaires, d’universitaires et d’experts nationaux et internationaux. N’hésitez pas à vous y inscrire