Non-cumul des mandats : un retour en arrière serait incompréhensible pour les citoyens

Transparency International France exprime sa grande préoccupation suite aux annonces, relayées par plusieurs médias, de velléités de retour en arrière sur le non cumul des mandats. Alors que 91% des Français sont favorables à une stricte interdiction du cumul des mandats, un tel projet serait incompréhensible et ne manquerait pas de réduire encore un peu plus la confiance des citoyens envers leurs élus.

Deux ans après son adoption, la loi interdisant le cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local doit entrer en vigueur le 31 mars 2017. Après cette date, les députés et sénateurs nouvellement élus devront renoncer à leurs fonctions exécutives locales. Ils pourront néanmoins continuer à exercer un mandat non exécutif (conseiller municipal, général ou régional par exemple).

Comme l’avait salué Transparency France en 2014, ce texte ouvre la voie à une véritable révolution de notre vie démocratique. D’une part, il supprimera une source structurelle de conflits d’intérêts entre un mandat local et un mandat national. D’autre part, cette loi devrait contribuer à réduire l’absentéisme parlementaire et à participer au renouvellement de la classe politique.

Selon la base de données interactive Integrity Watch France lancée en décembre dernier par Transparency France, les parlementaires sont encore peu nombreux à anticiper cette loi. Ainsi, 70% des mandats exercés aujourd’hui par les députés et sénateurs en parallèle de leur mandat parlementaire concernent des fonctions exécutives locales (maires, présidence et vice-présidence de Conseil régional, départemental, d’intercommunalités, de syndicats mixtes ou d’EPCI).

Une évolution déjà engagée mais à amplifier

On constate néanmoins, chez certains élus, une prise de conscience de l’enjeu démocratique. Ainsi, certains maires élus en 2014 et de nouveaux présidents de région ont d’ores et déjà renoncé à leur mandat parlementaire. Cette bonne pratique, recommandée par Transparency France, doit permettre de garantir aux électeurs qu’un candidat exercera pleinement ses fonctions pendant toute la durée de la mandature. A cet égard, le cumul entre une fonction de membre de gouvernement et de président de région est tout aussi préoccupant. 

Pour Daniel Lebègue, président de Transparency International France, « cette réforme est la plus importante du quinquennat de François Hollande en matière d’éthique de la vie publique. Revenir dessus serait une dramatique régression démocratique. »

La majorité des Français attendent en effet de leurs élus qu’ils se consacrent à 100% à leur mandat comme le souligne un récent sondage selon lequel plus de neuf Français sur dix sont favorables au mandat unique. Les Français veulent aussi limiter le cumul dans le temps : 73% d’entre eux soutiennent l’impossibilité d’exercer plus de deux fois de suite le même mandat[1].
             


 [1] Sondage Elabe pour BFMTV publié le 16 décembre 2015

Conflits d’intérêts, cadeaux, voyages à l’étranger : des règles éthiques à renforcer

L’émission Cash investigation consacrée hier à la diplomatie économique met en lumière un certain nombre de pratiques qui, si elles ne relèvent pas toutes du code pénal, risquent de détériorer encore un peu plus la confiance des citoyens envers leurs élus.

On y apprend ainsi que, lors de voyages officiels à l’étranger, certains élus peuvent se voir offrir de luxueux cadeaux par des États étrangers sans même en connaître la valeur exacte ou que d’autres y trouvent les fonds pour rénover le patrimoine de leur circonscription en échange d’un soutien à la promotion en France dudit pays.

Plus grave, l’émission revient sur l’affaire du « kazakhgate » qui fait aujourd’hui l’objet d’une instruction judiciaire ainsi que sur les soupçons de conflits d’intérêts liés au dépôt par une eurodéputée d’amendements au Parlement européen en faveur de l’industrie gazière et des pays du Caucase, grands exportateurs de cet hydrocarbure.

Cette dernière affaire, si elle est avérée, illustre les risques inhérents à l’exercice, par des élus, d’activités de conseil au profit d’intérêts privés. Ce risque est d’autant plus important lorsque le secret professionnel des avocats est invoqué pour ne pas citer le nom de ses clients dans sa déclaration d’intérêts. 

Rappelons que les déclarations d’intérêts rendues publiques sur le site de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) révèlent que 10 à 15% des parlementaires ont des activités privées annexes, dont une vingtaine pour qui ces activités génèrent des revenus supérieurs à 100 000 euros par an. 

Au Parlement européen, une étude de notre bureau à Bruxelles avait montré que 12 eurodéputés avaient des revenus annexes dépassant 10 000 euros par mois. Les déclarations étant moins détaillées que celles demandées par la HATVP, il est cependant impossible de connaître leur montant exact. Lorsqu’une activité privée génère autant de revenus, on peut légitimement se demander si le parlementaire a le temps d’exercer efficacement son mandat et si ses décisions sont réellement prises au nom de l’intérêt général.

L’interdiction d’exercer des activités de conseil en parallèle d’un mandat public ayant été jugée inconstitutionnelle, des règles déontologiques précises doivent être édictées afin d’éviter ce type de situations. Passage en revue de nos principales recommandations :

Publier la liste des cadeaux, invitations, voyages reçus par les élus et interdire les cadeaux au-delà d’un certain montant. Plusieurs collectivités, comme Paris ou Nantes, interdisent déjà aux élus d’accepter les cadeaux, libéralités et invitations d’une valeur supérieure à 150€ et à remettre tous les cadeaux d’une valeur inférieure à 150€ à la collectivité ;

Instaurer un plafond maximal pour la rémunération issue des activités annexes exercées par les parlementaires en parallèle de leur mandat ;

Déclarer le nom de ses clients et/ou les secteurs pour lequel des activités de conseil sont conduites. Le secret professionnel ne devrait plus pouvoir être invoqué comme le prévoit d’ailleurs la récente décision du Conseil national des Barreaux qui oblige désormais les avocats, ayant des activités de lobbying, à s’inscrire sur les registres des représentants d’intérêts et à dévoiler le nom de leurs clients. Un parlementaire (national ou européen) devrait faire de même dans sa déclaration d’intérêts ;

Généraliser la règle du déport en cas de conflit d’intérêts : les élus doivent déclarer oralement leurs intérêts et s’abstenir d’être nommés rapporteur d’un texte, de déposer des amendements ou de participer au vote sur le sujet concerné ;

Instaurer, au sein du Parlement européen, dans toutes les collectivités et administrations françaises, des organes de déontologie indépendants, chargés de veiller au respect de ces règles et pouvant prendre des sanctions en cas de manquement.  Ces organes devraient également avoir un rôle de conseil et de formation, en lien avec la HATVP.

Enfin, les entreprises et autres organisations ayant des activités de lobbying doivent s’interdire de recruter des anciens décideurs publics avant la fin du délai de carence prévue et de mandater ou rémunérer des personnes exerçant des responsabilités publiques pour représenter ou favoriser leurs intérêts. 

Gouvernement ouvert : le plan d’action de la France achoppe sur la question du lobbying

La France a présenté hier son plan d’action dans le cadre du Partenariat pour un gouvernement ouvert qu’elle a rejoint il y a tout juste un an. Ce plan d’action définit la stratégie de la France en matière d’ouverture des données publiques.

Il comprend un ensemble d’avancées en matière de transparence, de redevabilité et de participation citoyenne.

Transparency International France, qui a participé au processus de consultation, déplore cependant que la transparence du lobbying soit totalement absente du plan d’action.

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