Engagements des maires en matière de transparence et d’intégrité : les premiers résultats sont là !

A l’occasion des élections municipales l’année dernière, nous avions contacté les candidats dans les plus grandes villes françaises pour leur demander de prendre des engagements sur 5 propositions de nature à promouvoir l’intégrité et la transparence au niveau local.

Parmi les 70 candidats qui s’étaient engagés, dix ont été élus. Nos bénévoles, qui assurent aujourd’hui le suivi de ces engagements, entretiennent un dialogue régulier avec la plupart de ces élus dans l’objectif d’identifier et valoriser les meilleures pratiques observées.

S’il est trop tôt pour tirer un bilan définitif de leur action, nous publions un premier point d’étape, un an après leur entrée en fonction. Ce passage en revue – non exhaustif – des initiatives innovantes identifiées dans ces collectivités dépasse le cadre de nos propositions et vise à permettre aux élus qui voudraient aussi s’engager dans cette voie de s’en inspirer. 

  •  Grenoble

>> Engagements sur nos cinq propositions

Dès janvier 2014, le maire de Grenoble, Eric Piolle, a publié sa déclaration de patrimoine [1].

Partisan du mandat unique, il a démissionné de son poste de conseiller régional dès son élection et a renoncé à briguer la présidence de Grenoble Alpes Métropole. De même, les adjoints au maire ne peuvent pas cumuler leur mandat avec un poste de vice-président de la Métropole.

Signalons enfin que l’ensemble des documents et informations budgétaires sont très facilement accessibles sur le site de la ville qui intègre aussi une page dédiée aux données ouvertes de la ville (marchés publics, urbanisme, élections, éducation…), un engagement pris lors d’une délibération en octobre 2014.  

  • Metz

>> Engagements sur nos cinq propositions

Le maire de Metz, Dominique Gros, n’exerce pas de mandat législatif se conformant ainsi à notre proposition sur le non cumul des mandats.

Sa déclaration de patrimoine a été rendue publique sur le site de la ville de Metz sur lequel on retrouve aussi le tableau des indemnités perçues par tous les élus. Un portail cartographique original sur les questions d’urbanisme (plan cadastral complet, plans locaux d’urbanisme ou plans d’occupations des sols, risques naturels…) a également été développé avec l’agglomération Metz Metropole.

Au titre de son engagement en faveur de la transparence de la vie publique, la présidence de la Commission des finances a été attribuée à un membre de l’opposition et les comptes-rendus des commissions préparatoires au Conseil municipal de Metz sont disponibles en ligne depuis février 2015.

Enfin, un budget participatif a été mis en place en 2014. Reconduit en 2015, il porte au total sur 1 million d’euros. 

  • Paris

>>  Engagements sur nos cinq propositions

La maire de Paris, Anne Hidalgo, n’exerce pas de mandat parlementaire se conformant ainsi à notre proposition sur le non cumul des mandats.

Alors qu’elle était encore candidate, Anne Hidalgo a publié son patrimoine. Les déclarations de patrimoine et d’intérêts qu’elle a adressées à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sont également consultables sur le site de la ville de Paris.

En octobre 2014, le Conseil municipal de Paris a adopté un code de déontologie à l’usage des conseillers, qui a été renforcé suite à un avis de la HATVP rendu en juillet. Outre le rappel des valeurs telles que l’exemplarité, l’impartialité et la probité, ce code comporte des règles en matière de cadeaux et d’invitation (déclaration des voyages et des cadeaux inférieurs à 150€, interdiction d’accepter les cadeaux supérieurs à 150€) et prévoit, par exemple, la publication annuelle des indemnités et moyens mis à la disposition des élus.

Allant plus loin que la loi en matière de prévention des conflits d’intérêts, le code impose à tous les conseillers de Paris la publication d’une déclaration d’intérêts et l’obligation de s’abstenir « de participer aux débats et aux votes sur toutes les questions, sujets ou dossiers pour lesquels ils ont un intérêt personnel, familial ou professionnel à l’affaire » (déport).

Enfin, le code encourage ceux qui le souhaitent à publier volontairement leur déclaration de patrimoine. Une commission de déontologie indépendante, chargée de veiller à l’application de ce code et pouvant apporter conseils déontologiques aux élus, a également été créée en novembre 2014. Ses membres viennent tout juste d’être nommés et devraient tenir leur première réunion le 6 mai prochain, ce qui explique pourquoi aucune déclaration d’intérêts ou de patrimoine – en dehors de celles d’Anne Hidalgo – n’ait encore été rendue publique.

La ville de Paris a également rendu ses données publiques dans un esprit de transparence et d’innovation ouverte  pour une mise à disposition de tous, de façon libre et gratuite, des données électroniques. 

Signalons aussi la création d’un budget participatif doté de 500 millions d’euros d’ici 2020. En 2015, le budget participatif porte sur 75 millions d’euros.

  • Strasbourg

>> Engagements sur nos cinq propositions

Conformément à son engagement, le maire de Strasbourg, Roland Ries, sénateur sortant, a souhaité anticiper la loi sur le non cumul des mandats qui entrera en vigueur en 2017. Il n’a donc pas été candidat au renouvellement de son mandat parlementaire lors des dernières élections sénatoriales. Ses électeurs ont donc l’assurance qu’il exercera bien son mandat jusqu’en 2020.

En septembre 2014, le Conseil municipal de Strasbourg a adopté une charte de déontologie qui s’applique à l’ensemble de ses membres. Elle fixe notamment des lignes directrices en matière de prévention des conflits d’intérêts en appelant au déport automatique. Elle prévoit aussi que l’ensemble des élus (exécutif et simples conseillers municipaux) puissent remplir une déclaration d’intérêts.

Un séminaire a par ailleurs été organisé afin de sensibiliser les élus et les agents à ces questions d’éthique et de prévention des conflits d’intérêts. Dans sa version 2015, le colloque sera en partie élargi à l’ensemble des citoyens strasbourgeois.

En novembre 2014, Patrick Wachsmann, professeur de droit public, droit administratif et droit constitutionnel à l’université de Strasbourg a été désigné au poste de déontologue. Chargé d’examiner d’éventuels conflits d’intérêts et de faire un bilan annuel avec des recommandations, il peut être saisi par les élus comme par les fonctionnaires et plus largement les citoyens. Une page lui sera prochainement dédiée sur le site internet de la ville.

Plus récemment, une nouvelle délibération a précisé les moyens dont dispose le déontologue dans l’exercice de ses fonctions. Elle prévoit également la publication, sur le site Internet de la collectivité, des déclarations d’intérêts du maire et de ses adjoints[2], ainsi que celle des autres élus sur la base du volontariat. C’est sur ce même site que Roland Ries a mis en ligne un exemplaire de sa déclaration de patrimoine.

  • Toulouse  

>> Engagements sur deux propositions

Conformément à son engagement, Jean-Luc Moudenc a devancé la loi sur le non cumul des mandats et démissionné de son mandat de député en avril 2014. Ce faisant, il garantit ainsi à ses électeurs qu’il se consacrera à son mandat pendant les 6 années de mandature. Rappelons en effet, qu’à partir de 2017, un maire, qui aura été élu parlementaire, devra démissionner de l’un de ses mandats. 

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Cinq autres élus avaient aussi pris des engagements en réponse à nos propositions :

  • Alain Anziani à Mérignac
  • Olivier Bianchi à Clermont-Ferrand
  • Jean-Paul Bret à Villeurbanne
  • Ivon Robert à Rouen
  • Marc Tourelle à Noisy-le-Roi

Tous respectent le principe du non cumul avec un mandat parlementaire, à l’exception d’Alain Anziani, également sénateur, qui n’avait pas pris cet engagement lors de la campagne.

Concernant les autres propositions, les cinq élus n’ont pas, à ce jour, lancé d’initiatives visant à mettre en œuvre leurs engagements ou, s’ils l’ont fait, ils ne l’ont pas fait savoir sur le site de leur ville ou lors de nos contacts avec leurs équipes.

Aidez-nous à interpeller les élus et à valoriser les bonnes pratiques !

Au-delà des engagements pris par ces 10 élus de grandes villes, la transparence de la vie publique doit s’affirmer comme une priorité sur l’ensemble du territoire national.

Quelle que soit la collectivité qu’ils représentent (intercommunalités, conseils généraux, régionaux, sociétés d’économie mixtes…), tous les élus doivent s’engager ! Afin de les y encourager, nous avons développé un kit d’action locale pour que les citoyens interpellent directement leurs élus et nous fassent connaître les initiatives engagées. Nous avons également sollicité les principales associations d’élus et les partis politiques pour qu’ils nous aident à identifier les meilleures pratiques.

Nous avons d’ores et déjà publié un benchmark des codes de déontologie dont les communes commencent à se doter. La loi sur le statut de l’élu local, votée en mars 2015, intègre aussi une charte de l’élu local qui entrera en vigueur dans les communes lors des prochaines élections municipales.

Pourquoi attendre 2020 ?

Nous encourageons les collectivités à sensibiliser dès aujourd’hui leurs élus et leurs agents aux règles et principes déontologiques fondamentaux et favoriser ainsi l’émergence de meilleures pratiques dans toutes les collectivités. 


[1] Étant celle qu’il a publiée en tant que candidat, la rubrique relative aux revenus perçus depuis le début du mandat n’a pas été renseignée.

[2] Qui seront également rendues publiques sur le site de la HATVP. 

 >> A lire aussi : Transparence, cumuls, conflits d’intérêts… quelles sont les villes les plus intègres ?, Le Scan Le Figaro.fr, 30/04/2015

 

IRFM : une réforme en trompe l’oeil

Après la publication par l’Assemblée nationale de la répartition de la réserve parlementaire 2014 la semaine dernière, la réforme de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) était à l’ordre du jour de la réunion du Bureau de l’Assemblée nationale ce mercredi. 

L’IRFM est l’une des indemnités que perçoivent les députés pour couvrir leurs frais de mandat (5770 euros brut par député). Cette indemnité, non imposable, ne fait l’objet d’aucun contrôle, ni d’aucune publication. Des dérives ont ainsi été régulièrement dénoncées. Dernièrement, c’est l’Association pour une démocratie ouverte qui a pointé du doigt la constitution d’un patrimoine immobilier via l’achat de permanences parlementaires avec l’IRFM. Autre dérive plusieurs fois signalée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l’utilisation par certains parlementaires de l’IRFM pour payer leur cotisation à leur parti. Ces parlementaires bénéficient ensuite d’une déduction fiscale alors même que l’IRFM est non imposable.

La réforme de cette indemnité était donc nécessaire et attendue. Depuis plusieurs années, Transparency France milite pour un meilleur contrôle et demande la transparence quant à l’utilisation de cette indemnité. Pour notre association, il est en effet du devoir des élus de rendre compte de l’usage d’argent public (principe de redevabilité). 

Que ressort-il de la réforme adoptée aujourd’hui à l’unanimité par le Bureau de l’Assemblée nationale ? Rien ou presque.

En effet, si l’usage de l’IRFM est désormais fléché (elle devra être utilisée uniquement pour les frais liés à la permanence parlementaire, l’hébergement, les frais de transport du député et de ses collaborateurs, les frais de communication, de représentation et de formation), aucun contrôle – même aléatoire – n’est prévu. Encore moins la publication par chaque député des dépenses engagées au titre de l’IRFM.

Le Bureau de l’Assemblée table sur la bonne volonté des députés qui devront, chaque année, « adresser au Bureau une déclaration attestant sur l’honneur qu’ils ont utilisé l’IRFM au cours de l’année précédente » de manière conforme. Nous voulons croire que la plupart des députés se conformeront à ces nouvelles règles, mais il est facile d’imaginer que tous ne le feront pas. Certains pourront ainsi continuer à utiliser comme bon leur semble cette indemnité, parfois, pour des raisons totalement extérieures à leur mandat parlementaire.

S’il est à mettre au crédit des députés d’avoir remis ce sujet à l’ordre du jour – le Sénat n’a pour l’instant engagé aucune réforme –, il est néanmoins regrettable qu’ils ne soient pas allés au bout de leur démarche et ainsi répondu aux attentes des citoyens en faveur de plus de transparence et de redevabilité.

La HATVP transmet au parquet 3 dossiers de parlementaires : OUI la loi sur la transparence fonctionne !

La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) a annoncé avoir transmis au procureur de la République le dossier de trois parlementaires, qui auraient notamment omis de déclarer des avoirs détenus à l’étranger. 

Cette annonce est un nouveau signe que les lois sur la transparence étaient nécessaires. Comme nous l’avions souligné pour le premier anniversaire de ces lois le mois dernier, elle témoigne, une nouvelle fois, que le contrôle exercé par la HATVP fonctionne. 

En décembre dernier, dans notre rapport 2013 sur la corruption en France, nous posions d’ailleurs la question de savoir si les nouvelles lois sur la transparence permettraient d’éviter une nouvelle affaire Cahuzac (lire en page 32). Nous en avons la confirmation aujourd’hui.