Affaire Cahuzac : un électrochoc salutaire

Avec 3 années de recul, on peut estimer que l’affaire Cahuzac, du fait de son extrême gravité et des réactions qu’elle a entraînées, aura constitué pour notre pays un électrochoc salutaire.

Avec les lois sur la transparence de la vie politique et sur la lutte contre la délinquance financière qui ont été votées en 2013, les règles ont changé et l’action de l’administration et de la justice s’est considérablement renforcée.

Jérome Cahuzac et son épouse ont dû non seulement payer à l’administration fiscale de lourdes pénalités mais ils devront répondre de leurs actes devant la justice pénale. Il devrait en être de même dans d’autres dossiers de corruption, de blanchiment ou de fraude fiscale intéressant d’anciens Ministres, des parlementaires et des personnalités éminentes (Yamina Benguigui, Thomas Thévenoud, Serge Dassault, Patrick Balkany, Bygmalion, UBS France, HSBC).

C’est une évolution qui va dans la bonne direction. Les nouvelles institutions mises en place – Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Parquet national financier, Office central de  lutte contre la délinquance financière, demain l’Agence anti-corruption créée par la loi Sapin 2 – commencent à faire reculer la culture d’opacité et d’impunité qui a longtemps marqué la vie politique française.

Il faut également saluer l’action du G20, de l’OCDE et de la Commission Européenne qui ont permis au cours des dernières années de renforcer la coopération internationale en la matière et de porter des coups aux principaux paradis fiscaux, Suisse, Luxembourg, Panama, maintenant Irlande. Il est essentiel de maintenir le cap et notre association Transparency International France va demander à tous les candidats à l’élection présidentielle de prendre des engagements publics clairs en la matière.

Le projet de loi sur la transparence de la vie économique devient urgent

Par Daniel Lebègue, président de Transparency France (tribune publiée sur L’Agefi le 19/01/16)

Depuis que François Hollande a mis sur les rails son projet de loi sur la transparence de la vie économique en janvier 2015, il y a un an, l’impatience ne fait que grandir. Il y a de quoi car ce projet est indispensable pour corriger des lacunes des lois adoptées en 2103.

Notre pays est parmi les dernières grandes démocraties à ne pas disposer d’une définition juridique du lobbying, à ne pas pouvoir compter sur une véritable agence de prévention et de détection de la corruption, à ne pas avoir intégré dans ses lois la notion de lanceur d’alerte et à ne pas s’être doté d’une procédure de transaction pour traiter efficacement les affaires de corruption transnationale des entreprises.

Dans la version qui circule actuellement, le texte préparé par Michel Sapin, le ministre des finances et des comptes publics,  prévoit des réponses que je qualifierais de satisfaisantes sur chacun de ces quatre grands chapitres. Ces réponses reprennent pour l’essentiel  les propositions formulées par Transparency International France.

Alors pourquoi attendre encore pour présenter officiellement ce projet au Parlement ? Je comprends que l’agenda parlementaire est très chargé avec notamment le plan emploi qu’a annoncé François Hollande. Mais la France peut-elle demeurer encore longtemps dans cette situation de vide juridique qui la singularise ?

Concernant le quatrième grand chapitre du texte du projet,  il faut savoir qu’aucune condamnation ni aucune amende financière n’a pu être prononcée en France contre une entreprise accusée de corruption transnationale depuis 2000, année au cours de laquelle Paris a signé la convention de l’OCDE contre ce type de corruption. Dans le même temps aux Etats-Unis 100 procédures ont abouti que ce soit sous forme de condamnations contre des entreprises ou sous forme de transactions. En Allemagne le chiffre est de plus de 50. Il est clair que notre système judiciaire ne fonctionne pas dans ce domaine.

Pour traiter les cas de corruption transnationale des entreprises, la France est limitée à la voie pénale. Mais il est difficile d’apporter les preuves nécessaires dans ce cadre et, inversement, de reconnaître les efforts de prévention ou pas accomplis par les entreprises.

Il est temps de permettre aux magistrats et aux procureurs de mener dans le cadre de la loi des négociations avec des entreprises accusées de corruption sur les amendes financières éventuelles et sur les mesures qu’elles doivent mettre en place pour prévenir la corruption. C’est ainsi que notre système judiciaire retrouvera de l’efficacité.

Il en est de même pour les autres chapitres. Notre système a besoin d’une définition claire du lobbying, d’un statut pour les lanceurs d’alerte afin qu’ils puissent être accompagnés et protégés dès lors qu’ils sont de bonne foi, et, enfin, d’une agence de prévention et de détection de la corruption qui puisse contrôler les programmes de compliance affichées par les entreprises.

Reporting pays par pays : la réaction de Daniel Lebègue

Daniel Lebègue, président de Transparency International France, se félicite du vote par l’Assemblée nationale d’un amendement qui fait obligation aux grandes entreprises établies en France de déclarer à partir de 2016 à l’administration fiscale leurs bénéfices pays par pays.

La France est ainsi le premier pays du G20 à inscrire dans la loi une des principales recommandations formulées par l’OCDE pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscales abusives de certaines entreprises multinationales. 

Transparency France encourage les autorités françaises à rechercher activement un accord au niveau européen pour rendre cette information accessible au public, comme c’est déjà le cas pour les entreprises du secteur extractif et pour les établissements financiers.