Encadrement du lobbying : les citoyens européens appelés à s’exprimer !

Transparency France salue le lancement aujourd’hui, par la Commission Européenne, d’une consultation publique sur l’efficacité de son Registre de Transparence qui recense les lobbys actifs dans les institutions européennes. Nous espérons que cette dynamique saura inspirer les décideurs français pour que notre pays comble son retard dans le domaine.

La Commission Européenne a lancé ce midi une consultation publique accessible à ce lien pour renforcer l’efficacité de son actuel registre des représentants d’intérêt. Un registre commun au Parlement européen et à la Commission européenne avait été mis en place dès 2009, mais les règles d’encadrement différaient selon l’institution concernée, et le Conseil de l’Union Européenne, un des trois principaux lieux de pouvoir, en était exclu. Transparency International, dans son rapport sur le lobbying en Europe, avait d’ailleurs pointé du doigt ce grand écart : deux institutions situées à quelques mètres l’une de l’autre apparaissaient aux extrémités de son classement sur la base de trois critères essentiels à un lobbying responsable : la traçabilité de la décision, l’intégrité des échanges et l’égalité d’accès aux décideurs publics.

La consultation lancée aujourd’hui comporte deux séries de questions : une première générale, à destination de tous les citoyens (sur la définition adoptée, le périmètre actuel du registre ou encore son efficacité), et une deuxième, plus spécifique à destination des organisations déjà inscrites au registre (sur la publication des documents, les avantages accordés aux organisations qui jouent le jeu de la transparence ou encore le fonctionnement du système d’alerte et de plaintes).

La consultation s’étendra jusqu’en juin prochain et permettrait de faire évoluer le dispositif actuel vers un registre obligatoire qui encadrerait tous les lieux de la décision publique européenne : Commission Européenne, Parlement Européen et Conseil de l’Union Européenne. Cette initiative pourrait bien inspirer les décideurs publics français alors que sera bientôt débattu le projet de loi sur la transparence de la vie économique, dit Projet SAPIN 2, qui comporte un volet spécifique sur les représentants d’intérêt. Jusqu’à présent, la France ne bénéficie d’aucune définition du lobbying et encadre uniquement les activités d’influence à l’Assemblée Nationale et au Sénat via des registres facultatifs très peu représentatifs des échanges réels entre décideurs publics et représentants d’intérêt.

Retrouvez toutes nos recommandations dans le rapport « Transparence et intégrité du lobbying, un enjeu de démocratie – Etat des lieux citoyen sur le lobbying en France » accessible à ce lien (2014)

Le projet de loi sur la transparence de la vie économique devient urgent

Par Daniel Lebègue, président de Transparency France (tribune publiée sur L’Agefi le 19/01/16)

Depuis que François Hollande a mis sur les rails son projet de loi sur la transparence de la vie économique en janvier 2015, il y a un an, l’impatience ne fait que grandir. Il y a de quoi car ce projet est indispensable pour corriger des lacunes des lois adoptées en 2103.

Notre pays est parmi les dernières grandes démocraties à ne pas disposer d’une définition juridique du lobbying, à ne pas pouvoir compter sur une véritable agence de prévention et de détection de la corruption, à ne pas avoir intégré dans ses lois la notion de lanceur d’alerte et à ne pas s’être doté d’une procédure de transaction pour traiter efficacement les affaires de corruption transnationale des entreprises.

Dans la version qui circule actuellement, le texte préparé par Michel Sapin, le ministre des finances et des comptes publics,  prévoit des réponses que je qualifierais de satisfaisantes sur chacun de ces quatre grands chapitres. Ces réponses reprennent pour l’essentiel  les propositions formulées par Transparency International France.

Alors pourquoi attendre encore pour présenter officiellement ce projet au Parlement ? Je comprends que l’agenda parlementaire est très chargé avec notamment le plan emploi qu’a annoncé François Hollande. Mais la France peut-elle demeurer encore longtemps dans cette situation de vide juridique qui la singularise ?

Concernant le quatrième grand chapitre du texte du projet,  il faut savoir qu’aucune condamnation ni aucune amende financière n’a pu être prononcée en France contre une entreprise accusée de corruption transnationale depuis 2000, année au cours de laquelle Paris a signé la convention de l’OCDE contre ce type de corruption. Dans le même temps aux Etats-Unis 100 procédures ont abouti que ce soit sous forme de condamnations contre des entreprises ou sous forme de transactions. En Allemagne le chiffre est de plus de 50. Il est clair que notre système judiciaire ne fonctionne pas dans ce domaine.

Pour traiter les cas de corruption transnationale des entreprises, la France est limitée à la voie pénale. Mais il est difficile d’apporter les preuves nécessaires dans ce cadre et, inversement, de reconnaître les efforts de prévention ou pas accomplis par les entreprises.

Il est temps de permettre aux magistrats et aux procureurs de mener dans le cadre de la loi des négociations avec des entreprises accusées de corruption sur les amendes financières éventuelles et sur les mesures qu’elles doivent mettre en place pour prévenir la corruption. C’est ainsi que notre système judiciaire retrouvera de l’efficacité.

Il en est de même pour les autres chapitres. Notre système a besoin d’une définition claire du lobbying, d’un statut pour les lanceurs d’alerte afin qu’ils puissent être accompagnés et protégés dès lors qu’ils sont de bonne foi, et, enfin, d’une agence de prévention et de détection de la corruption qui puisse contrôler les programmes de compliance affichées par les entreprises.

5 présidents de régions s’engagent pour la transparence

A l’occasion des élections régionales 2015, nous avions contacté plus de 100 têtes de liste pour leur demander de prendre des engagements sur 7 propositions de nature à renforcer la transparence et l’éthique de la vie publique au niveau régional. 

 >> Bilan des engagements pris par les candidats

Au sein des 13 nouvelles régions, 5 candidats qui avaient pris des engagements viennent d’être élus à la tête des exécutifs régionaux : 

* Marie Guite Dufay s’est engagée par le biais d’un envoi de sa charte éthique

Parmi les engagements pris, on retient notamment :

– la décision de Valérie Pécresse de démissionner de son mandat de député. Si François Bonneau, Marie-Guite Dufay et Alain Richert n’exercent aucun mandat parlementaire, Alain Rousset a, en revanche, annoncé qu’il ne démissionnerait pas de son mandat de député ;

– Valérie Pécresse et Alain Rousset se sont engagés à mettre en place un dispositif spécifique pour encadrer le lobbying auprès des élus régionaux, notamment par la création d’un registre des représentants d’intérêts comme il en existe à l’Assemblée nationale ;

– Tous souhaitent faire adopter une charte de déontologie. Philippe Richert et Valérie Pécresse s’engagent à aller plus loin avec la création d’un poste de déontologue/comité de déontologie ;

– en matière de prévention des conflits d’intérêts, tous se sont engagés à instaurer la publication, par tous les élus du conseil régional, de déclarations d’intérêts et de faire respecter l’obligation de déport en cas de conflit d’intérêts ;

– enfin, presque tous se sont engagés à participer à l’expérimentation de la certification des comptes de la région et au développement d’un portail open data. 

Afin de tenir informés les citoyens de la mise en oeuvre de ces engagements, nous allons, avec nos bénévoles, faire le suivi de ces engagements. Comme nous le faisons dans le cadre du suivi des engagements pris lors des municipales 2014, nous rendrons compte sur ce blog du dialogue que nous avons avec ces élus et publierons les initiatives engagées sur ces questions. En effet, notre objectif est d’identifier et valoriser les meilleures pratiques observées.

Les autres présidents de régions doivent eux aussi s’engager

Les présidents des 7 autres régions métropolitaines et de Corse n’ont pas pris d’engagements à ce stade : Xavier Bertrand (LR – Nord-Pas-de-Calais-Picardie), Carole Delga (PS – Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées), Christian Estrosi (LR – Provence-Alpes-Côte d’Azur), Jean-Yves Le Drian (PS – Bretagne), Hervé Morin (NC – Normandie), Bruno Retailleau (LR – Pays de la Loire), Gilles Simeoni (nationaliste – Corse) et Laurent Wauquiez (LR – Auvergne-Rhône-Alpes).  

Nous continuerons à promouvoir auprès d’eux ces 7 propositions. D’autant que trois d’entre eux (Xavier Bertrand, Christian Estrosi et Hervé Morin) ont déjà annoncé qu’ils renonçaient à leur mandat parlementaire respectant d’ores et déjà notre première proposition.  

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Interpellez aussi vos élus !
 
Quelle que soit la collectivité qu’ils représentent (intercommunalités, conseils généraux, régionaux, sociétés d’économie mixtes…), tous les élus doivent s’engager ! Nous avons développé un ensemble d’outils devant permettre aux citoyens de demander à leurs élus de prendre eux-aussi des engagements.
 
>> Découvrez nos outils pour encourager les élus à être exemplaires