Le 22 février : dernière chance pour un Parlement transparent ! Transparency France interpelle Claude Bartelone

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Le Bureau de l’Assemblée nationale se réunira le 22 février, pour la dernière fois sous cette législature. Notre association, Transparency International voudrait vous inviter à saisir cette opportunité pour inscrire la question du renforcement de la transparence du Parlement à l’ordre du jour de cette réunion.

Nous ne sous-estimons pas les réelles avancées qui ont marqué cette législature, que ce soit avec les lois sur la transparence de 2013 ou avec certaines mesures décidées par l’Assemblée nationale telles que l’interdiction d’utiliser l’IRFM pour l’achat d’une permanence parlementaire. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire.

Notre association n’a pas attendu l’actualité des dernières semaines pour l’affirmer. L’image des parlementaires est particulièrement dégradée aux yeux des Français. Cette perception, en décalage avec la réalité, illustre la nécessité de rétablir une relation de confiance entre les citoyens et les élus pour redonner de l’oxygène à notre démocratie. Nous sommes convaincus, comme nos concitoyens, que la transparence est un levier puissant pour y parvenir.

Pour améliorer la situation, il n’est pas forcément nécessaire d’en passer par la loi. Des décisions peuvent être prises très rapidement par le Bureau ou les Questeurs, ou en complétant le Code de déontologie des députés. C’est notamment le cas pour trois de nos recommandations :

  • Demander aux députés de rendre public l’utilisation qu’ils font de l’IRFM ;
  • Etablir un véritable statut des collaborateurs parlementaires, en particulier en prohibant l’emploi comme collaborateur d’un membre de la famille du député, en clarifiant les usages possibles du crédit collaborateur par le député, et en précisant les obligations déontologiques applicables aux collaborateurs parlementaires ;
  • Renforcer le rôle et les moyens d’action du déontologue de l’Assemblée nationale, en lui conférant des moyens d’enquêtes et de sanctions en cas de non-respect du code de déontologie, et en lui donnant la possibilité de s’exprimer publiquement sur les sujets entrant dans son champ de compétence.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à ce courrier, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma haute considération.

Daniel Lebègue
Président de Transparency International France

Affaire des « Biens mal acquis » : avec l’appui de SHERPA, nous déposons une nouvelle plainte avec constitution de partie civile pour contourner un énième blocage du parquet dans ce dossier

Notre plainte fait suite au refus du parquet d’accorder aux magistrats instructeurs la possibilité d’étendre leurs investigations à des faits nouveaux découverts en cours d’enquête.

 

Ainsi que la presse s’en est fait l’écho durant l’été, des faits nouveaux ont été portés à la connaissance des juges d’instruction en charge de l’affaire des Biens mal acquis [1]. Ces faits font notamment apparaître de possibles opérations de blanchiment susceptibles d’être imputées à plusieurs des personnes visées par l’instruction en cours.

 

Selon une note d’information de la Direction des Douanes datant de mars 2011, Teodorin Obiang Nguema, fils du Président équato-guinéen et Ministre d’Etat chargé de l’agriculture et des forêts, aurait affrété en 2009 un avion ayant fait escale en France avec son bord 26 voitures de luxe (dont 7 Ferrari et 5 Bentley). Selon Tracfin, la cellule anti-blanchiment du Ministère des finances, Teodorin Obiang Nguema aurait par ailleurs dépensé pas moins de 18 millions d’euros en mars 2009 lors de la vente aux enchères de la collection d’Yves Saint-Laurent et de Pierre Bergé [2].

 

Ali Bongo, peu avant de succéder à son père à la présidence du Gabon en 2009, aurait quant à lui acquis une Bentley d’une valeur de 200 000 euros. Un neveu du président congolais Denis Sassou-Nguesso, chargé par son oncle de prélever les taxes sur les tankers de pétrole, aurait aussi récemment acquis une Porsche d’une valeur de 137 000 euros [3].

 

Selon les rapports des douanes et de Tracfin, ces personnes auraient donc continué à acquérir en France des biens de grande valeur alors même qu’une plainte les visait déjà pour recel de détournement de fonds publics. C’est en apprenant l’existence de ces faits que les juges d’instruction en charge de cette plainte ont demandé au parquet de leur accorder un réquisitoire supplétif, afin d’étendre leur enquête à ces nouveaux éléments. Alors même qu’il n’aurait dû s’agir que d’une simple formalité, le parquet a refusé de donner suite cette demande, obligeant ainsi notre association à agir une nouvelle fois par la voie de la constitution de partie civile.

 

Ce refus du parquet offre, si besoin en était, une nouvelle illustration des immixtions probables du pouvoir politique dans les affaires politico-financières sensibles, immixtions à l’origine de notre proposition aux candidats à l’élection présidentielles afin de garantir une réelle indépendance de la justice. Rappelons à ce sujet les positions récentes de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de la Cour de Cassation selon lesquelles le parquet français ne peut être considéré comme une véritable autorité judiciaire en raison de sa trop grande dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.

 

Ce nouveau blocage est d’autant plus choquant qu’il intervient à quelques jours de la 4ème conférence des Etats parties à la convention des Nations Unies de lutte contre la corruption (Maroc, 24-28 Octobre 2011). Ratifiée par la France en 2005, cette convention fait de la restitution aux populations des avoirs publics détournés un principe fondamental.

 

Alors que les révolutions arabes ont souligné l’importance de lutter plus efficacement contre la grande corruption, il est temps que la France donne l’exemple en se conformant pleinement à ses engagements internationaux.

 

[1] Affaire portant sur des soupçons de recels en France de détournements de fonds publics opérés par différents membres des familles dirigeantes du Gabon, du Congo et de la Guinée Equatoriale. Initiée par SHERPA en mars 2007 avec le dépôt d’une plainte simple auprès du Parquet de Paris, l’affaire connaîtra une série de rebondissements tenant pour l’essentiel au refus opposé par le parquet de déclencher des poursuites. Ce n’est finalement qu’en Novembre 2010, et par suite d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par Transparence International France, qu’une information judiciaire sera ouverte. Cette information a été confiée à deux magistrats instructeurs près le Tribunal de Grande Instance de Paris.

[2] « Biens mal acquis : la justice louvoie » ; Libération, 28 juillet 2011. Article disponible ici : http://www.liberation.fr/societe/01012351428-biens-mal-acquis-la-justice-louvoie

[3] « Les « biens mal acquis » africains gênent la France », Le Monde, 9 juin 2011.