Lors de son intervention le 3 avril sur l’affaire Cahuzac, François Hollande a déclaré vouloir « renforcer l’indépendance de la Justice » en faisant adopter dès cet été la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Sur ce sujet, un projet de loi devrait être débattu à l’Assemblée nationale les 28 et 29 mai et examiné par le Parlement réuni en Congrès le 22 juillet prochain.
François Hollande a également exprimé son intention de renforcer les moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux via la création d’un parquet financier national et d’un office central de lutte contre la fraude et la corruption. Des projets de loi devraient être présentés le 7 mai prochain. Pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle, ils devront eux aussi avoir les moyens de poursuivre et de juger en toute indépendance.
Réforme du CSM et fin des instructions individuelles
Garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et de la discipline des magistrats, le CSM intervient aussi lors de la nomination des magistrats. Le ministre de la Justice doit obligatoirement obtenir l’accord du CSM pour la nomination des magistrats du siège. En revanche, s’agissant des magistrats du parquet, le gouvernement est libre de passer outre l’avis du Conseil. Le projet de réforme devrait mettre fin à ce traitement différencié.
Le texte prévoit également de modifier la composition du CSM. Le nombre de personnalités extérieures qualifiées sera ramené de six à cinq afin que chaque formation du CSM soit désormais composée majoritairement de magistrats[1]. Ces personnalités extérieures seront nommées par un collège indépendant[2] et soumises à l’approbation des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat à la majorité des 3/5èmes.
Nous estimons que le gouvernement ne doit cependant pas s’arrêter là. Le mode de nomination des magistrats au sein du CSM, archaïque et peu démocratique, doit lui-aussi être revu. Aujourd’hui en effet, les magistrats siégeant au CSM sont, pour la plupart, élus par des collèges restreints de présidents de juridictions et donc non représentatifs de l’ensemble de la magistrature (en particulier les juges de rang inférieur). Pour que la France se conforme enfin aux standards européens – qui préconisent une instance composée de magistrats « élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation la plus large de ceux-ci » –, les magistrats membres du CSM doivent être élus au sein d’un collège unique et au scrutin direct à la proportionnelle impliquant plus largement les magistrats. Notre association invite donc les parlementaires à compléter le texte en ce sens lors des prochains débats à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Outre cette réforme du CSM, un autre projet de loi a été présenté le 27 mars dernier par Christiane Taubira qui vise à interdire les instructions individuelles du ministre de la Justice aux magistrats du parquet. Si ce texte est adopté – et effectivement appliqué –, il s’agira d’une avancée indéniable. En effet, trop souvent par le passé, on a assisté à une ingérence flagrante de l’exécutif dans certaines affaires sensibles. La difficile ouverture d’une instruction dans l’affaire des « Biens mal acquis » en est une bonne illustration.
Des annonces encore insuffisantes
En dépit de ces annonces, une réelle indépendance de la justice n’est pas encore pour demain. Ainsi, le projet de réforme du CSM ne contient aucune remise en cause du pouvoir déterminant du ministère de la Justice sur la carrière des magistrats : c’est lui qui sélectionne les juges dont la nomination est ensuite proposée au CSM. Celui-ci peut uniquement s’opposer à une nomination, non pas y substituer une autre de son choix. Cette situation explique comment des nominations controversées ont pu avoir lieu. En 2009, Michèle Alliot-Marie alors ministre de la Justice a ainsi proposé et nommé, avec l’aval du CSM, François Molins comme avocat général à la Cour de cassation, alors qu’il quittait tout juste son poste de directeur de cabinet du garde des Sceaux. Un bel exemple de pantouflage que le Conseil d’Etat avait finalement annulé.
La réforme ne remet pas non plus en question la possibilité pour le Garde des sceaux de poursuivre les magistrats et donc de faire un usage politique de l’arme disciplinaire. Le juge Renaud Van Ruymbeke en fut une victime emblématique dans le cadre de l’affaire Clearstream. A cela s’ajoute enfin le fait que l’inspection des services judiciaires, en charge des enquêtes disciplinaires, est, elle aussi, toujours aux ordres du ministre.
La réforme de la justice apparaît dès lors encore incomplète sous de nombreux aspects. Pour que l’engagement pris par François Hollande pendant la campagne présidentielle et réaffirmé ces derniers jours soit réellement effectif, le gouvernement et les parlementaires devront témoigner d’une ambition à la hauteur de l’enjeu et donner aux projets de réforme les moyens d’atteindre leur objectif : donner à la séparation des pouvoirs une pleine effectivité.
Pour ce faire, le CSM doit pouvoir être doté de pouvoirs plus importants tant au stade de la nomination des magistrats qu’à celui de la gestion de leur carrière. Le ministère de la Justice ne devrait pas détenir de moyen de pression disciplinaire quelconque à l’égard des magistrats.
[1] Les deux formations du CSM compétentes à l’égard du siège et du parquet sont actuellement chacune composée de 7 magistrats, de 6 personnalités extérieures qualifiées, d’un avocat et d’un conseiller d’Etat.
[2] Il sera constitué par le vice-président du Conseil d’État, le président du Conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits, le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes et un professeur des universités
Surtout ne pas toucher au Csm pour maintenir cette république irréprochable
Le Csm pourra ainsi continuer à valider la nomination de magistrats placés par les politiques dans tous les rouages de la machine judiciaire et qui pourront intervenir pour les protéger eux ou leurs amis le moment venu.
C’est ainsi que le Csm a validé la nomination des dizaines de magistrats en bande organisée qui ont assuré 15 ans d’impunité au directeur de campagne de F. Mitterrand passé avec 30 Mf à travers le parquet de Paris, la direction des affaires criminelles et des grâces et la cour de justice, afin de préserver le rapprochement de deux journaux qu’on lit tous les jours, le juge d’instruction défendant les intérêts de l’un d’eux, et se présentant aux législatives pour le PS.
Et c’est ainsi que les gardes des Sceaux de ces 15 dernières années n’ont renvoyé tous ces magistrats ni devant le Csm ni devant les tribunaux.
Et c’est ainsi que la Cour de Justice de la République sans avoir à motiver sa décision de rejet, considère que l’un de ces Gardes des Sceaux, en s’abstenant d’agir, a fait ce que cette République attendait de lui.
Et c’est ainsi que l’un de ces magistrats qui a rendu définitif un non lieu d’anthologie – 8 lignes 3 erreurs grossières – a participé à la validation des comptes de campagne des dernières élections.
Et c’est ainsi que l’Assemblée bien informée depuis la formation de la commission Outreau trouve que cette république est vraiment irréprochable et qu’ il ne faut surtout rien changer.
Alors un grand merci à tous ces politiques qui nous rendent l’air plus pur jour après jour.